COVID-19 et annulation de voyages/séjours

   
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Image de l'article COVID-19 et annulation de voyages/séjours

Le 19 mars dernier, la Commission européenne a publié ses lignes directrices concernant les droits des passagers au regard de la situation résultant du Covid-19[1]

Dans le prolongement de ce texte, une ordonnance[2] a été publiée au Journal officiel ce 26 mars 2020 modifiant certaines règles du Code du tourisme et du Code civil.

Cette ordonnance s’inscrit dans une démarche d’accompagnement des professionnels du tourisme. Le Rapport au Président de la République[3] concernant cette ordonnance précise en effet :

« Dans le contexte exceptionnel de propagation du covid-19, de nombreux Etats, dont la France, ont adopté des mesures restrictives de déplacement, ce qui conduit de très nombreux voyageurs à demander des annulations et des remboursements aux agences de voyage. En outre, certaines prestations sont annulées sur décision du prestataire. Concomitamment, ces opérateurs subissent une baisse drastique des prises de commandes. Dès lors, il pèse sur ces opérateurs un risque fort de tension sur leur trésorerie et par la suite de défaillance. Actuellement, ce sont plus de 7 100 opérateurs de voyages et de séjour immatriculés en France, qui, confrontés à un volume d'annulations d'ampleur jamais égalée et à des prises de commandes quasi nulles, sont en grande difficulté. »

L’objectif de l’ordonnance est de permettre aux vendeurs de certains voyages, séjours et prestations d’émettre un avoir au lieu de rembourser les clients et ainsi, tenter de limiter les conséquences du Covid-19 sur leurs trésoreries.

QUELS SONT LES CONTRATS CONCERNES PAR L’ORDONNANCE ?

Pour l’essentiel, sont concernés :

  • Les forfaits touristiques[4] vendus par un organisateur de voyage ou un détaillant, résolus entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020, en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure

  • Les services de voyage portant sur le transport, le logement, la location d'un véhicule ou d'autres services de voyage[5] résolus entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020, en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure

  • Les services d’hébergement[6] proposés par des personnes physiques ou morales (y compris des associations produisant elles-mêmes ces services), résolus entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020, en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure

  • Les services de location de certaines voitures particulières[7] proposés par des personnes physiques ou morales résolus entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020, en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure

  • Tout autre service touristique qui ne fait pas partie intégrante d'un service de voyage[8], proposé par des personnes physiques ou morales (y compris des associations produisant elles-mêmes ces services), résolu entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020, en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure.

Ne sont pas concernées : les ventes des titres de transports. Ces ventes sont donc soumises aux règles habituelles, sans dérogation.

QUELLES SONT LES REGLES DEROGATOIRES ?

Pour les contrats qui entrent dans le champ d’application de l’ordonnance, le « vendeur » peut proposer aux clients concernés un avoir, à la place d’un remboursement.

L’avoir est soumis (principalement) aux règles suivantes :

  • Le montant de l'avoir doit correspondre à l'intégralité des paiements effectués par le client pour le contrat résolu.

  • Le « vendeur » doit informer le client de la proposition d’avoir, sur un support durable[9] au plus tard 30 jours après la résolution du contrat, ou, si le contrat a été résolu avant le 26 mars 2020, au plus tard le 25 avril 2020. Cette information doit préciser le montant de l'avoir, ainsi que les conditions de délai et de durée de validité.

  • Pour que les clients puissent utiliser l’avoir, le « vendeur » doit proposer aux clients une prestation :

1° Identique ou équivalente à la prestation prévue par le contrat résolu


2° Dont le prix n'est pas supérieur à celui de la prestation prévue par ce contrat résolu ; le client n'étant tenu, le cas échéant, qu'au paiement correspondant au solde du prix de ce contrat


3° La prestation ne donne lieu à aucune majoration tarifaire autre que celles que, le cas échéant, le contrat résolu prévoyait.

4° La proposition de prestation doit être formulée au plus tard dans un délai de 30 mois à compter de la notification de la résolution du contrat. La proposition est valable pendant une durée de dix-huit mois.

  • Si, à la demande du client, le « vendeur » propose une prestation dont le prix est différent de celui de la prestation prévue par le contrat résolu, le prix payé par le client tient compte de l'avoir.

  • A défaut de nouveau contrat entre le client et le « vendeur » avant la fin de la période de validité de l’avoir, le « vendeur » procède au remboursement des sommes payées par le client selon les règles légales habituelles[10], déduction faite de la quote-part de l’avoir utilisé par le client (en cas d’utilisation partielle).

Hors de cette dernière hypothèse (pas de nouveau contrat avant la fin de la période de validité de l’avoir), le client ne peut pas demander un remboursement des sommes versées lorsque le « vendeur » a proposé un avoir.

* * *

NOTA : cet article, publié le 27.03.2020, propose une présentation des règles dérogatoires publiées le 26.03.2020. Au regard du contexte actuel, ces règles sont susceptibles d’évoluer et/ou faire l’objet de précisions dans les prochains jours/semaines. Cet article ne se substitue pas à la loi.

 

[4] Au sens de l’article L211-1 du Code du tourisme

[5] Au sens de l’article L211-1 du Code du tourisme

[6] Au sens de l’article L211-2 du Code du tourisme

[7] Au sens de l’article L211-2 du Code du tourisme

[8] Au sens de l’article L211-2 du Code du tourisme

[9] Voir article L121-16 3° du Code de la consommation : « tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s'y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l'identique des informations stockées. »

[10] L211-14 du Code du tourisme ou article 1229 du Code civil

A propos de l'auteur

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Avocat   Karen SAMMIER est titulaire d'un Master en Droit de la distribution, de la concurrence et de la consommation obtenu en 2005 ainsi que d’un Master en Droit de la propriété intellectuelle... En savoir +

Expert dans :

Droit commercial Propriété intellectuelle & Nouvelles technologies
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Karen SAMMIER

Avocat

 

Karen SAMMIER est titulaire d'un Master en Droit de la distribution, de la concurrence et de la consommation obtenu en 2005 ainsi que d’un Master en Droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies obtenu en 2006, auprès de l’Université du Droit et de la Santé de LILLE II.



Après avoir travaillé en entreprises, en cabinets d’avocats et au sein d’universités, Karen SAMMIER intègre le Cabinet LEXCAP en septembre 2016 et prête serment en 2024.



Au sein d’une équipe spécialisée, les domaines d’intervention de Karen SAMMIER sont plus particulièrement :

 

- Droit de la propriété intellectuelle,

- Droit économique,

- Droit de la distribution,

- Droit de la consommation,

- Droit des contrats,

- Droit de la concurrence,

- Droit des nouvelles technologies.

 

Dans ces domaines, Karen SAMMIER a su notamment développer une compétence particulière dans le secteur des entreprises de distribution (généralistes et spécialisées).