LE SUCCES DE LA SYNDICATION DES ETALONS

   
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Si l’exploitation du trotteur durant sa période de courses reste essentielle, ne serait-ce que parce que les gains en courses conditionnement la valeur de l’étalon et donc de ses saillies, la valorisation de sa carrière d’étalon est devenue économiquement primordiale.

 

Certes READY CASH reste une exception et peut être l’arbre qui cache la forêt, mais les chiffres donnent tout de même à méditer : lors de sa syndication en 2008, furent alors créées 90 parts d’une valeur de 37.000 euros chacune sur la base d’une valeur globale de 3.500.00 euros. Actuellement une part de READY CASH, si tant est qu’elle soit à vendre, peut être évaluée à 120.000 euros ou plus, et la saillie entre 40 et 50.000 euros !

 

Ainsi les gains en course, aussi conséquents soient-ils, représentent finalement bien moins que les bénéfices tirés de sa carrière d’étalon grâce à la syndication.

 

Certes le cas de READY CASH est particulier mais il reste que la syndication permet au propriétaire de réaliser des gains substantiels par la vente des parts, d’autant qu’en général il conservera un pourcentage de parts pour lui-même et se réservera souvent les saillies à l’étranger en sus des 100 saillies autorisées en France.

 

Quant aux porteurs de parts, ils peuvent pour un budget de départ raisonnable non seulement bénéficier de saillies de bons étalons mais aussi valoriser leurs parts.

 

Ceci explique le succès incontestable de la syndication d’étalon qui a également pour avantage de lutter contre la concentration des richesses entre les mains de quelques propriétaires éleveurs et entraîneurs.

 

Pour autant le code des courses au trot malgré l’ampleur du phénomène se contente en la matière du … minimum syndical !

 

En effet, s’il est question de la syndication, celle-ci n’est traitée que dans le cadre d’un trotteur entier qui poursuit en même temps sa carrière de courses et sa carrière d’étalon.

 

Il est donc important de définir ce qu’est un syndicat d’étalon et quelles sont les règles juridiques et fiscales qui le régissent.

 

Définition du syndicat d’étalon :

 

L’article 19 du Code mentionne l’existence de syndicats de propriétaires en indiquant « qu’un cheval remplissant les conditions réglementaires pour être agréé en tant qu’étalon ou issu d’une jument ayant gagné une épreuve de groupe I ou groupe II dont la liste est publiée annuellement au bulletin de la SECF, peut être mis en indivision dans le cadre d’un syndicat de propriétaire, comprennent un nombre de parts égales qui ne peut être supérieur à 45 » (le nombre est limité à 40 par le code des courses au galop)

 

Le Code prévoit un agrément des porteurs de parts (personnes physiques ou morales) par les commissaires de la SECF et la désignation de la personne responsable à l’égard de la SECF, c’est à dire d’un gérant de l’indivision.

 

Enfin toute modification dans la composition des porteurs de parts du syndicat doit être communiquée à la SECF sans délai et faire l’objet d’un nouvel agrément.

 

Ceci étant, les instructions de la direction générale des finances publiques donnent une définition plus précise du syndicat d’étalon (Instruction du 07.03.13) :

« Les syndicats d’étalons sont constitués par des personnes (éleveurs ou non des chevaux) qui acquièrent la propriété en commun d’un étalon en vue de son entretien, de la répartition au prorata de leur quote-part, des saillies que l’animal est en mesure de faire chaque année et le cas échéant, de l’organisation et la vente des saillies supplémentaires et de la réalisation de toute autre opération pouvant être utile à l’exploitation de l’étalon ».

 

Ainsi par le biais notamment des courtiers, un étalon va être syndiqué, des parts étant offertes à la vente permettent une exploitation en groupe des saillies de l’étalon.

 

Les principales règles civiles :

 

Le syndicat peut revêtir plusieurs formes juridiques et particulièrement deux doivent être envisagées :

 

- Soit la création d’une société en participation qui n’est pas inscrite au registre du commerce et ne possède pas la personnalité morale. Cela suppose l’existence d’un affectio societatis c’est à dire que chaque associé cherche principalement à bénéficier des gains ou des économies résultant de l’exploitation en commun de l’étalon.

Toutefois cette forme juridique est aujourd’hui peu utilisée car elle n’est pas sans conséquences fiscales, le syndicat étant traité comme une société avec sa fiscalité propre, son régime de TVA et de plus-values.

 

- Soit et c’est le plus fréquent, une indivision conventionnelle régie par les articles 1873-1 à 1873-15 du code civil. Il n’y a pas alors d’affectio societatis puisque chaque co-indivisaire a pour objectif d’exercer ses droits individuels en se voyant attribuer des saillies dont il dispose librement.

 

Le formalisme est réduit au minimum, soit une simple convention d’indivision dont la durée maximum est de 5 ans, sauf renouvellement.

 

Comme le veut le Code des courses, cette indivision désigne un gérant indivisaire qui gère la carrière du cheval. En cas de vente de sa part, le co-indivisaire doit respecter un droit de préemption c’est à dire qu’il doit d’abord par le biais du gérant, offrir de vendre sa part aux co-indivisaires avant de la vendre à un tiers.

 

Il existe 3 sortes de droit à saillies :

 

Les saillies individuelles : ce sont celles qui reviennent de droit à chacun des copropriétaires à raison des parts détenues dans l’indivision, chaque part constituant un droit à saillie.

 

Chaque porteur de part peut en disposer librement en les utilisant pour ses propres poulinières ou en les commercialisant auprès de tiers.

 

Il est souhaitable de prévoir dans la convention d’indivision ou tout autre règlement les conditions de prix, et de publicité de vente des saillies pour éviter trop de distorsion.

 

Les saillies dites gratuites : ce peut être des saillies offertes à des syndicats d’éleveurs, mais le plus fréquemment ce sont des saillies accordées en contrepartie de certaines prestations de service rendues à l’indivision, notamment par le Haras de stationnement de l’étalon, voire par les courtiers etc …

 

En réalité ces saillies ne sont pas réellement « gratuites » puisqu’elles ne sont que la contrepartie d’une prestation, ce qui est important du point de vue fiscal.

 

Les saillies supplémentaires : ce sont les saillies que le syndicat d’étalon va commercialiser auprès de tiers au bénéfice de tous les co-indivisaires. Les gains ainsi réalisés serviront à régler les frais et dépenses engagés par le syndicat, le boni étant ensuite réparti entre les porteurs de parts.

 

Les principales règles en matière fiscale :

 

Elles concernent tant le syndicat lui-même que ses porteurs de parts.

 

Pour le syndicat d’étalon :

 

Si le syndicat est constitué sous forme de société, il subira le traitement fiscal des sociétés avec le régime de l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu.

 

En outre le gérant de la société devra tenir une comptabilité propre au syndicat et effectuer les déclarations fiscales.

 

En revanche, si le syndicat est une indivision, cas le plus fréquent, le syndicat est alors transparent sur le plan fiscal et ne sera pas directement imposé, l’imposition concernant chaque co-indivisaire en proportion de ses parts.

 

En matière de TVA, les syndicats d’étalon relèvent du régime de TVA applicable aux exploitations agricoles, soit au taux réduit de 10 %.

 

Les syndicats sont obligatoirement imposables sur le régime simplifié agricole lorsque le montant moyen de leurs recettes agricoles calculé sur deux années civiles consécutives excède 46.000 euros hors TVA.

 

Les syndicats qui relèvent du régime du remboursement forfaitaire agricole sont dispensés du paiement de la TVA mais ne peuvent pas bénéficier du remboursement forfaitaire agricole à raison des opérations de saillie.

 

Le syndicat doit établir les factures de vente de saillies, ou les faire établir notamment par l’étalonnier. Le syndicat doit acquitter la TVA sur les saillies gratuites et supplémentaires mais pas sur les saillies individuelles.

 

Pour les saillies dites gratuites, le prix retenu est constitué par le prix du marché mais est égal à :

- 65 % du prix du marché si le prix de la saillie est stipulé « jument pleine au 1er octobre »

- 60 % du prix du marché sur le prix de la saillie est stipulé « foal vivant »
 
Pour les porteurs de parts :
 
Dans le système d’indivision, chaque co-indivisaire doit intégrer ses gains tirés du syndicat et de son droit à saillie à ses revenus et est imposé en fonction de son régime fiscal propre (BNC, BIC, BA).
 
Pour la TVA, si le co-indivisaire est assujetti à la TVA, il devra bien entendu facturer la TVA et la régler. En revanche, aucune TVA se sera due par le co-indivisaire non assujetti, ce qui constitue un avantage pour l’acheteur d’une saillie vendue par un co-indivisaire non assujetti.
 
Quant à la territorialité, les saillies sont imposables à la TVA lorsqu’elles sont situées :
-soit en France,
-soit hors de France au profit d’une personne assujettie à la TVA en France.
 
Quant aux cessions de parts d’étalon, elles sont assujetties à la TVA si le copropriétaire vendeur est assujetti et ce au taux réduit de 10 %, étant précisé que le co-indivisaire doit s’acquitter d’un droit de mutation au taux de 3% en cas de société en participation.
 
Enfin, pour le régime des plus-values, le propriétaire qui syndique son étalon devra s’acquitter de l’imposition sur la plus-value limitée à la différence entre le prix de vente des parts cédées et la valeur nette comptable du cheval mais en proportion du nombre de parts cédées par rapport au nombre total de parts de la copropriété.
 
La plus-value latente relative aux droits de propriété conservés par l’ancien propriétaire n’est pas taxée tant que ses droits ne sont pas effectivement cédés.
 
Le système fiscal est donc relativement favorable aux syndicats d’étalon, que l’on se place au regard du syndicat lui-même, ou de ses copropriétaires.
 
En conclusion, la syndication des étalons ne correspond pas à un effet de mode, mais s’inscrit dans la durée compte tenu des nombreux avantages qu’elle présente.

A propos de l'auteur

Photo de Sophie  BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS DESS droit des entreprises Membre de l’Institut du Droit Equin Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois Diplômée... En savoir +

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Photo de Sophie BEUCHER

Sophie BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS

DESS droit des entreprises
Membre de l’Institut du Droit Equin
Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois

Diplômée d’un DESS droit des entreprises dispensé par la Faculté de Droit d’Angers, Sophie BEUCHER a intégré le Cabinet LEXCAP en 2004 en qualité de juriste.

Après avoir obtenu son diplôme professionnel par équivalence, elle s’est inscrite au Barreau d’Angers en 2009 tout en poursuivant sa collaboration avec le Cabinet LEXCAP et plus particulièrement avec Thierry BOISNARD dans le domaine du contentieux commercial.

Elle fait partie de l’équipe du secteur contentieux commercial qui intervient dans tous les domaines du droit des affaires.

Sophie BEUCHER est plus particulièrement en charge des contentieux relatifs aux litiges commerciaux, recouvrement de créances, droit de la consommation, droit bancaire, cautionnement, procédures collectives.

Par ailleurs, elle a développé une activité spécifique de droit équin, qu’il s’agisse des procédures judiciaires liées à des mises en jeu de responsabilité, à des ventes de chevaux, relations contractuelles, assurances, indivision, troubles de voisinage…ou qu’il s’agisse de conseils auprès de cavaliers, gérants d’écuries et entraineurs de galopeurs ou trotteurs consistant notamment dans la rédaction de contrats de vente, contrats commerciaux, de sponsoring, de mise en demeures.