Les ventes de chevaux : la formalisation par l'écrit

   
  • Droit commercial
  • Droit rural & droit équin
Image de l'article Les ventes de chevaux : la formalisation par l'écrit

L’époque de l’accord oral sur la place du marché ou au bar de l’hippodrome est révolue, les règles juridiques sont aujourd’hui devenues si complexes qu’il est souvent nécessaire de rédiger un écrit.

 

Les ventes de chevaux trotteurs français se présentent sous diverses formes juridiques et dans certains cas il est très utile de signer entre les parties un contrat de vente pour concrétisee et sécuriser la vente ; Tout dépend de la forme juridique adoptée.

 

En effet, il peut s’agir de ventes par adjudication ou dites aux enchères publiques. Sous réserve de développements ultérieurs, rappelons en les principes essentiels :

 

La vente par adjudication peut être amiable, c’est à dire volontaire. Dans cette hypothèse le vendeur choisi de confier la vente à un organisme tel que ARQANA TROT et le cheval passant en vente est adjugé au plus offrant, le dernier enchérisseur concrétisant son achat par la signature d’un « bordereau d’adjudication ».

 

La conclusion d’un contrat n’est pas indispensable puisque les parties se soumettent alors aux conditions de vente édictées par l’organisme lesquelles prévoient les modalités de la vente et notamment les garanties applicables.

 

La vente par adjudication peut être également judiciaire. Ce type de vente peut être utilisé en cas de succession, de liquidation d’indivision ou être provoqué par un créancier qui obtient la saisie du bien et la mise en vente par le Tribunal. Ce type de vente se rencontre davantage pour les biens immobiliers que pour les meubles (étant rappelé qu’un cheval est sur le plan juridique un meuble) mais existe par exemple pour un haras placé en liquidation judiciaire dont le liquidateur vend aux enchères le cheptel. Ces ventes sont réglementées strictement par la loi et orchestrées devant le Tribunal compétent. Un contrat de vente écrit n’est pas envisageable.

 

En dehors des ventes par adjudication, la vente peut être tout simplement conclue amiablement soit de gré à gré.

 

Dans cette hypothèse, le contrat de vente écrit est indispensable.

 

- Il permet tout d’abord de prouver la vente et ses conditions :

En effet, à défaut de contrat ou de facturation, un acheteur pourrait être en peine de prouver son achat étant rappelé que la carte d’immatriculation enregistrée à son nom n’est constitutive que d’une simple présomption et ne vaut pas titre de propriété.

Le contrat permet de préciser ce sur quoi porte la vente (numéro SIRE du cheval) et le prix (HT et TTC), ce qui indispensable en l’absence de facture de vente.

Même si l’acheteur n’a eu à faire qu’avec un intermédiaire, il appartient bien au vendeur de conclure le contrat et de facturer.

Le contrat peut prévoir que le prix est payé suivant un échelonnement et qu’en cas de non-respect par l’acheteur du paiement d’une seule des échéances, l’ensemble de sommes est alors dû.

Il est également possible de prévoir une clause de réserve de propriété permettant au vendeur de revendiquer la propriété et récupérer le cheval tant qu’il n’est pas intégralement payé du prix.

 

- Il permet d’identifier clairement les parties :

 Le vendeur et l’acheteur sont –ils des personnes morales (société) ou des personnes physiques ? La question peut être cruciale en cas de litige avec une personne morale qui a déposé le bilan.

Quelle est l’adresse à laquelle il est possible de les toucher ? Attention une adresse de type boite postale ou adresse professionnelle ne permet pas de toucher les personnes et peut poser problème par exemple dans le cadre d’une procédure en recouvrement.

Les parties ont-elles la qualité de professionnels ou de non professionnels, les garanties et règles de droit n’étant pas les mêmes.

 

- Le contrat permet de préciser l’usage pour lequel le cheval est acheté.

Le cheval vendu est sensé être conforme à l’usage pour lequel il est vendu de sorte qu’une jument stérile pourrait parfaitement être apte à un usage de course tandis qu’une jument boiteuse pourrait être apte à un usage de poulinière.

Le fait de préciser l’usage souhaité permet à l’acheteur le cas échant de remettre en cause les capacités physiques du cheval au regard de l’usage convenu.

 

- Les conditions suspensives ou résolutoires :

Le contrat de vente peut être conclu sous réserve de la réalisation d’une condition suspensive, soit une visite vétérinaire favorable, soit l’obtention d’un prêt bancaire, soit un résultat particulier à une course … Le fait de préciser cette condition dans le contrat et les conditions de sa réalisation évite un litige sur le caractère parfait ou non de la vente.

Dans l’hypothèse d’une condition résolutoire, la vente est parfaite et définitive mais pourra être résolue si la condition prévue ne se réalise pas.

 

- Le contrat permet d’établir la date de la vente :

La vente est conclue dès que les parties se sont mises d’accord sur la chose et sur le prix, et ce même si le cheval n'a pas encore été livré ni même le prix de vente payé. (article 1583 du code civil).

A défaut de signature d’un contrat, la date de la vente peut poser problème à prouver. Or, quid si le cheval meurt après l’accord sur la chose et le prix mais avant le paiement et avant la livraison ? L’acheteur devra payer en principe le prix … même s’il ne sera jamais livré du cheval mort. (sauf bien entendu une responsabilité du vendeur dans la mort du cheval). La date de la vente, et donc du transfert de propriété, peut donc avoir des conséquences importantes.

Si la livraison intervient postérieurement à la vente, il est également utile de prévoir qui en aura la charge.

 

- Les garanties liées à la vente :

L’acheteur professionnel a tout intérêt à exiger une garantie des vices cachés dans le contrat de vente car à défaut il se pourrait qu’aucune garantie ne soit applicable à la vente. En effet, à défaut d’écrit, la convention de garantie des vices cachés ne peut être invoquée que si l’acheteur prouve que le cheval est destiné à un usage spécial ou particulier, ce qui n’est pas nécessairement le cas d’un trotteur vendu à un prix moyen.

A contrario le vendeur professionnel qui vend à un professionnel a tout intérêt à exclure la garantie des vices cachés par voie contractuelle, ce qui limite très fortement le risque de remise en cause d’une vente.

 

- Les clauses de règlement du litige

Le contrat peut prévoir qu’une médiation ou conciliation est obligatoire en cas de contentieux. Si l’une des parties engage une procédure sans avoir respecté cette procédure préalable, son action serait nulle.

Une clause prévoyant quel sera le tribunal compétent en cas de litige est également très utile mais ne sera applicable qu’entre sociétés commerciales type SARL.

Si un contrat de vente, à l’instar d’un contrat de foal sharing, d’un contrat d’entraînement ou autre type de contrat ne permet pas de régler tous les contentieux, il permettra toutefois de limiter le flou artistique qui malheureusement existe souvent parce que les parties n’ont pas pris le soin de consigner par écrit les termes leur accord à l’époque où elles étaient d’accord ! un modèle de contrat de vente est notamment téléchargeable gratuitement sur le site de l’Institut du Droit Equin et peut parfaitement être adapté par les parties ou un professionnel en cas de besoin.

 

 

A propos de l'auteur

Photo de Sophie  BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS DESS droit des entreprises Membre de l’Institut du Droit Equin Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois Diplômée... En savoir +

Expert dans :

Droit commercial Droit rural & droit équin
Photo de Sophie BEUCHER

Sophie BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS

DESS droit des entreprises
Membre de l’Institut du Droit Equin
Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois

Diplômée d’un DESS droit des entreprises dispensé par la Faculté de Droit d’Angers, Sophie BEUCHER a intégré le Cabinet LEXCAP en 2004 en qualité de juriste.

Après avoir obtenu son diplôme professionnel par équivalence, elle s’est inscrite au Barreau d’Angers en 2009 tout en poursuivant sa collaboration avec le Cabinet LEXCAP et plus particulièrement avec Thierry BOISNARD dans le domaine du contentieux commercial.

Elle fait partie de l’équipe du secteur contentieux commercial qui intervient dans tous les domaines du droit des affaires.

Sophie BEUCHER est plus particulièrement en charge des contentieux relatifs aux litiges commerciaux, recouvrement de créances, droit de la consommation, droit bancaire, cautionnement, procédures collectives.

Par ailleurs, elle a développé une activité spécifique de droit équin, qu’il s’agisse des procédures judiciaires liées à des mises en jeu de responsabilité, à des ventes de chevaux, relations contractuelles, assurances, indivision, troubles de voisinage…ou qu’il s’agisse de conseils auprès de cavaliers, gérants d’écuries et entraineurs de galopeurs ou trotteurs consistant notamment dans la rédaction de contrats de vente, contrats commerciaux, de sponsoring, de mise en demeures.