La compétence requise pour s'occuper des équidés

   
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Le 18 juillet 2022 est paru un premier Décret[1] d’application de la Loi du 30 novembre 2021[2] dite « Loi DOMBREVAL », destinée à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les Hommes.

 

Ce Décret, entre autres mesures, apporte des précisions sur les compétences requises pour s’occuper des équidés, dans le cadre d’une activité professionnelle ou non.

Rappelons tout d’abord l’origine de cette nouvelle obligation, avant d’en examiner les contours.

 

1. La genèse de l’obligation de compétence

 

Le bien-être animal est devenu, sans doute à juste titre, un sujet incontournable pour le monde du cheval.

 

Dès 2016, le TROT[3], ainsi que toutes les instances dirigeantes des différentes disciplines hippiques, ont signé la charte du bien-être équin, comportant notamment des dispositions relatives à la relation homme / cheval et aux comportements à adopter pour l’approche des chevaux.

 

Puis, en 2021, ces mêmes instances dont le TROT, ont signé le guide des bonnes pratiques à destination des professionnels du cheval.

 

Or, ce guide stipule que la formation des professionnels de la filière fait partie intégrante de la démarche, les éleveurs et les préposés aux animaux devant posséder suffisamment de compétences et de connaissances pour garantir que les animaux seront traités dans le respect des mesures adoptées.

 

Le guide précise qu’il est essentiel que les équidés soient soignés par un personnel possédant les aptitudes, les connaissances et les capacités professionnelles appropriées.

 

Autrement dit la formation est devenue indispensable, et ont d’ores et déjà été proposées des formations spécifiques pour s’assurer de la capacité à s’occuper des chevaux.

                                                                                    

Ainsi, depuis la fin de l’année 2019, la Fédération Française d’Equitation propose une formation pour attester de la maîtrise des compétences suivantes :

 

- Appliquer la réglementation en vigueur et les obligations du détenteur ;

- Évaluer le contexte et les conditions de détention des équidés ;

- Mettre en œuvre les mesures nécessaires permettant d’optimiser le bien-être des équidés ;

- Veiller à la bonne santé des équidés et prévenir les risques sanitaires ;

- Réaliser en sécurité les manipulations élémentaires liées à la détention des équidés ;

- Actualiser régulièrement ses connaissances en matière de détention d’équidés.

 

Cette formation comporte deux modules d’une durée minimale de 7 heures chacun :

 

- Le module A permet d’acquérir les connaissances théoriques, techniques et réglementaires relatives à la détention d’équidés, et est dispensé en ligne ;

- Le module B se déroule obligatoirement en présentiel au sein d’un établissement équestre agréé par la FFE.

 

C’est dans ce contexte que la loi du 30 novembre 2021 a ajouté un article L211-10-1 au Code rural et de la pêche maritime ainsi rédigé :

 

« Tout détenteur d’un équidé atteste de sa connaissance des besoins spécifiques de l’espèce.

Lorsque la détention ne relève pas d’une activité professionnelle, l’attestation prend la forme d’un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce, signé par le détenteur.

Un décret précise les modalités d’attestation applicables, et dans le cas prévu au deuxième alinéa, le contenu et les modalités de délivrance du certificat.

Avant tout changement de détenteur d’un équidé, le propriétaire de l’animal s’assure que le nouveau détenteur a attesté de ses connaissances en application du premier alinéa. »

 

La Loi précise que ce nouvel article est applicable à l’expiration d’un délai d’un an à compter de sa promulgation, lorsque la détention de l’équidé ne relève pas d’une activité professionnelle.

 

C’est dans ces conditions qu’a été publié le Décret du 18 juillet 2022.

 

2. Les contours de l’obligation

 

L’article 1 5° du Décret du 18 juillet 2022 ajoute au Code rural et de la pêche maritime un article D 214-37-1 précisant les caractéristiques de cette obligation de compétence.

 

a. La distinction entre activités professionnelles et non professionnelles

 

La distinction entre professionnel et non-professionnel est reprise, celui qui agit dans le cadre sur son activité professionnelle devant justifier d’une simple attestation, tandis que celui qui détient un équidé « à des fins autres… » doit justifier d’un certificat d’engagement et de connaissance.

 

Cette distinction peut évidemment être source de difficultés car il n’est pas toujours aisé de définir si la personne concernée agit ou non à des fins professionnelles.

 

Rappelons que le Code de la consommation définit le professionnel comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. »[4]

 

Or, la question peut se poser, sinon pour un entraîneur, au moins pour un éleveur qui, propriétaire d’une jument, décide de lui faire faire occasionnellement des poulains.

 

Doit-t-on considérer qu’il agit dans le cadre de son activité professionnelle ?

 

b. L’attestation du professionnel

 

Le texte vise toute personne qui, dans le cadre de son activité professionnelle, est au contact direct d’un équidé.

 

Ainsi, il ne s’agit plus uniquement de détenir un équidé, mais simplement d’être « au contact ».

 

Cela vise à l’évidence toutes les personnes, salariées ou non, qui sont susceptibles de s’occuper des chevaux dans une écurie.

 

La question n’est pas si évidente : qu’en est-il par exemple du personnel qui cure les boxes hors la présence des chevaux ?

 

Le décret prévoit que cette personne doit attester de ses connaissances en justifiant :

 

- D’une expérience professionnelle au contact direct des équidés d’une durée minimale de 18 mois au moment de l’acquisition.

- À défaut, la possession d’un diplôme, titre ou certificat figurant sur une liste publiée par arrêté du Ministre chargé de l’agriculture.

 

Il faut attendre cet arrêté pour connaître la teneur exacte de la liste, mais celle-ci devrait reprendre sensiblement celle figurant en annexe 1 de la formation de capacité de détenteurs d’équidé proposée par la FFE.

 

Il s’agit des diplômes délivrés par le ministère de la jeunesse et des sports, et par le ministère de l’agriculture. (Baccalauréat, brevet professionnel, CAP etc).

 

La formalité semble peu contraignante, puisqu’il s’agit d’une simple attestation, toutefois l’expression d’une « expérience professionnelle d’une durée minimale de 18 mois au moment de l’acquisition » interpelle : de quelle acquisition s’agit-il ?

 

Sans doute le Décret fait-il référence à l’article L211-10-1 du Code rural et de la pêche maritime, qui prévoit « qu’avant tout changement de détenteur d’un équidé, le propriétaire de l’animal s’assure que le nouveau détenteur a attesté de ses connaissances en application du premier alinéa ».

 

Par ailleurs, quid du jeune qui est embauché dans une écurie ou qui s’installe, par exemple comme pré-entraîneur ? Il n’a pas par définition une expérience de 18 mois et ne possède pas nécessairement de diplôme… et pourtant il agit bien dans le cadre de son activité professionnelle !

 

Il semble donc, à ce stade, qu’il y ait quelques « trous dans la raquette », même s’il s’agit bien-entendu « d’une raquette de départ » !

 

Blague à part, il conviendra d’être vigilant car l’absence d’attestation régulière pourrait entre autres provoquer de graves difficultés quant aux garanties d’assurance en cas d’accident.

 

c. Le certificat du non-professionnel

 

Toute personne détenant un équidé (il ne s’agit plus là d’être simplement au contact direct d’un équidé), doit justifier d’un certificat d’engagement et de connaissance délivré par « les organismes professionnels de la filière équine figurant sur une liste fixée par Arrêté du ministre de l’agriculture, ou par un vétérinaire ».

 

Bien évidemment le TROT devrait faire partie des organismes certifiant mais l’arrêté dont la date n’est pas annoncée devra le préciser.

 

Il est relevé que tout vétérinaire, même non spécialisé en équin devrait pouvoir délivrer le certificat, ce qui laisse perplexe !

 

Ce certificat devra comporter des mentions spécifiques sur :

 

- Les besoins physiologiques, comportementaux et médicaux, y compris en cours de transport, en tenant compte de l’état des connaissances scientifiques;

- Les obligations relatives à la traçabilité et à l’identification de l’animal ainsi qu’aux conditions de transport ;

- Les implications financières et logistiques liées à la satisfaction des besoins physiologiques, comportementaux et médicaux tout au long de la vie de l’équidé.

 

En outre ce certificat devra comporter une mention manuscrite suivant laquelle le détenteur s’engage expressément à respecter les besoins de l’animal.

 

Le texte ne précise pas quelles sont les conditions de validation du certificat.

 

De même, se pose la question de savoir quel sera l’organisme habilité à contrôler que le détenteur d’un équidé est bien titulaire du certificat ? Quelle sera la sanction en cas de non présentation d’un certificat ou d’une attestation ?

 

Il est relevé que le texte ne vise que le détenteur d’un équidé et la question se pose du propriétaire non détenteur : peut-il s’exonérer du certificat ?

 

d. La date d’application

 

L’article 2 du Décret indique que ces dispositions seront applicables à compter du 31 décembre 2022.

 

Toutefois, les personnes qui, à la date du 31 décembre 2022, détiendront un équidé dans le cadre de leur activité professionnelle, sont réputées satisfaire aux conditions du Décret et donc sont dispensées d’établir une attestation.

 

En cas d’infraction, outre les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L205–1 du Code rural et de la pêche maritime pourront verbaliser les agents de douane, ainsi que les policiers municipaux et les gardes champêtres.

En conclusion, sans doute ces nouvelles dispositions sont-elles inspirées par le souci légitime de veiller encore davantage au bien-être des équidés.

 

Il faut reconnaître que certains décident d’acheter un cheval ou un poney comme on achète une peluche avec un grave déficit de compétence susceptible de nuire à l’animal !

 

Pour autant, cela ne vise pas la filière des courses et les formalités administratives sont déjà suffisamment lourdes pour craindre que ces nouvelles dispositions en rajoutent encore.

 

Publié le 18 août 2022

Par Sophie BEUCHER

 

[1] Décret n° 2022-1012 du 18 juillet 2022 relatif à la protection des animaux de compagnie et des équidés contre la maltraitance animale

[2] Loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes

[3] La Société d'Encouragement à l'élevage du Cheval Français (SECF), communément appelée Société du Cheval Français et aujourd'hui Le « TROT »

[4] Code de la consommation, article préliminaire

A propos de l'auteur

Photo de Sophie  BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS DESS droit des entreprises Membre de l’Institut du Droit Equin Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois Diplômée... En savoir +

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Sophie BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS

DESS droit des entreprises
Membre de l’Institut du Droit Equin
Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois

Diplômée d’un DESS droit des entreprises dispensé par la Faculté de Droit d’Angers, Sophie BEUCHER a intégré le Cabinet LEXCAP en 2004 en qualité de juriste.

Après avoir obtenu son diplôme professionnel par équivalence, elle s’est inscrite au Barreau d’Angers en 2009 tout en poursuivant sa collaboration avec le Cabinet LEXCAP et plus particulièrement avec Thierry BOISNARD dans le domaine du contentieux commercial.

Elle fait partie de l’équipe du secteur contentieux commercial qui intervient dans tous les domaines du droit des affaires.

Sophie BEUCHER est plus particulièrement en charge des contentieux relatifs aux litiges commerciaux, recouvrement de créances, droit de la consommation, droit bancaire, cautionnement, procédures collectives.

Par ailleurs, elle a développé une activité spécifique de droit équin, qu’il s’agisse des procédures judiciaires liées à des mises en jeu de responsabilité, à des ventes de chevaux, relations contractuelles, assurances, indivision, troubles de voisinage…ou qu’il s’agisse de conseils auprès de cavaliers, gérants d’écuries et entraineurs de galopeurs ou trotteurs consistant notamment dans la rédaction de contrats de vente, contrats commerciaux, de sponsoring, de mise en demeures.