La loi contre la maltraitance animale et les équidés

   
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La Loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021[1] visant à « lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les Hommes » a été publiée au Journal officiel du 1er décembre 2021. Elle est entrée en vigueur, pour l’essentiel, le 2 décembre 2021.

 

 

Cette Loi, portée par le député Loic DOMBREVAL, a été présentée comme une avancée significative pour la défense de la cause animale. En réalité, la Loi ne traite que des sujets qui font consensus et évitent ceux qui font polémique tels que la chasse, la corrida, l’élevage industriel, ou l’expérimentation animale.

 

 

S’agissant en particulier des équidés, il n’est pas certain que la Loi comporte de réelles avancées.

 

 

1. La détention des équidés

 

 

Le Code Rural et de la Pêche Maritime (CRPM) est doté d’un nouvel article L211-10-1 lequel impose à tout détenteur d'un équidé qu’il atteste de sa connaissance des besoins spécifiques de l'espèce, cette obligation ne s’imposant que dans un an.

 

 

Lorsque la détention ne relève pas d'une activité professionnelle, l'attestation prend la forme d'un certificat d'engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l'espèce, signé par le détenteur.

 

 

Il en ressort que pour le professionnel détenteur une simple attestation suffira alors que le détenteur non professionnel devra justifier de la délivrance d’un certificat.

 

 

Le contenu de l'attestation et du certificat, de même que les modalités de délivrance du certificat seront définies par décret.

 

 

Avant tout changement de détenteur d'un équidé, le propriétaire de l'animal devra s'assurer que le nouveau détenteur a attesté de ses connaissances en application du premier alinéa.

 

 

 

2. L’interdiction de la névrectomie

 

 

Le CRPM est complétée par un article L212-9-1 prévoyant que toute névrectomie (intervention médicale ou chirurgicale aboutissant à l'interruption permanente du passage de l'influx nerveux sensitif de tout ou partie d'un membre d'un équidé) soit inscrite sur le document d'identification de l'animal et dans le fichier national des équidés par le vétérinaire qui l'a pratiquée.

 

 

Cette pratique n’est pas interdite (elle peut présenter l’avantage d’éviter à un équidé de souffrir) mais elle doit être mentionnée ; l’objectif consistant à éviter qu’un cheval ne participe à des courses ou des concours alors qu’il est névrectomisé.

 

 

 

 

3. La lutte contre le dopage

 

 

La Loi du 30 novembre 2021 a également prévu de compléter le Code du sport pour faciliter le constat des cas de dopage de l’animal compétiteur sur les lieux de compétition, d’entraînement et dans les locaux où il est habituellement gardé.

 

 

 

4. La lutte contre l’abandon de chevaux

 

 

Le CRPM est complété par une nouvelle procédure relative à la vente forcée des équidés confiés au titre d'un contrat de dépôt ou d'un contrat de prêt à usage.

 

 

Le dépositaire devra :

 

- Adresser au propriétaire une mise en demeure de récupérer l'animal, pour défaut de paiement, inaptitude ou incapacité totale de l'animal d'accomplir les activités pour lesquelles il a été élevé ;

- Attendre 3 mois pour permettre au propriétaire de récupérer l'équidé ou de payer ;

- Présenter au Président du tribunal judiciaire une requête ;

- Signifier l'ordonnance rendue par le Tribunal dans un délai de trois mois avec le jour, le lieu et l'heure de la vente. L’ordonnance peut prévoir que l'animal sera remis à ce tiers en cas de carence d'enchères.

 

 

Dans le délai d'un mois, le propriétaire peut récupérer son équidé après paiement de la créance ou s'opposer à la vente. Cette opposition emporte de plein droit citation à comparaître devant la juridiction qui a autorisé la vente et il conviendra d’attendre le résultat de cette procédure longue et couteuse avec toujours la charge financière de l’équidé !

 

 

En outre, cette nouvelle procédure ne permet pas de régler le problème qui est celui du coût et de la complexité de la procédure de saisie vente qui contraint souvent le dépositaire à exposer des frais pour un équidé qui ne rapportera sans doute pas grand-chose dans le cadre d’une vente aux enchères.

 

 

 

5. L’interdiction des manèges à poney

 

 

Il est inséré un article L214-10-1 dans le CRPM interdisant les manèges à poneys, entendus comme attractions permettant, pour le divertissement du public, de chevaucher tout type d'équidé, via un dispositif rotatif d'attache fixe privant l'animal de liberté de mouvement, sont interdits.

 

 

Cette mesure mérite d’être approuvée à la seule condition qu’elle soit strictement interprétée.

 

 

 

6. Le renforcement des sanctions pénales pour maltraitance

 

 

- Pour les sévices graves, acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé ou tenu en captivité, les peines sont portées de deux à trois ans d’emprisonnement et l’amende augmenté de 30 000 à 45 000 €.

 

- Si les faits ont entraîné la mort de l’animal, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.

 

- En cas de circonstances aggravantes : quatre ans d’emprisonnement et 60 000 € d’amende : Les circonstances aggravantes sont : le fait d’exercer les actes de cruauté ou les sévices graves sur un animal dont on est propriétaire ou gardien ; sur un animal détenu par des agents dans l’exercice de missions de service public ; le fait de les commettre devant un enfant mineur ; le fait de perpétrer en connaissance de cause un abandon dans des conditions présentant un risque de mort immédiat ou imminent.

 

- Le fait de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est devenu un délit puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.

 

- Il est prévu une peine complémentaire d’exercer une activité professionnelle en empruntant la formulation d’ailleurs maladroite retenue par la loi du 5 janvier 2006 pour compléter l’article 521-1 du Code pénal.

 

- Un article 521-1-1 a été introduit dans le Code pénal pour incriminer de manière désormais autonome les atteintes sexuelles sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité et les punir des mêmes peines que les actes de cruauté et les sévices graves, à savoir trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.

 

- En outre, un article 521-1-3 a été ajouté dans le Code pénal pour punir d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende le fait, que certains ont dénommé prostitution animale, de proposer ou de solliciter des actes constitutifs d’atteintes sexuelles sur un animal.

 

- Le nouvel article 521-1-2 du Code pénal incrimine le fait d’enregistrer sciemment des images relatives à la commission d’actes de cruauté, de sévices graves ou d’atteintes sexuelles ; le fait d’enregistrer sciemment des images relatives à la commission de mauvais traitement et le fait de diffuser sur internet l’enregistrement de telles images.

 

 

 

Certains esprits chagrins trouveront sans doute que la montagne a accouché d’une souris et que cette loi Fourre-tout ne prévoit finalement que des « mesurettes » sans grand intérêt.

 

 

Toutefois, elle a au moins un mérite, c’est celui d’exister et son utilité même n’est pas dénué d’intérêt.

 

 

En effet, le législateur se préoccupe de la maltraitance animale en affichant expressément son objectif de renforcer le lien entre les animaux et les hommes.

 

 

Or, le bien-être des animaux domestiques et des équidés ne consiste certainement pas à être rendu à l’état sauvage. L’écrivain cavalier Jean-Louis Gouraud a écrit avec pertinence :

 

« Le cheval a pour son bien-être nul besoin d’être abandonné à lui-même mais au contraire d’être élevé, entretenue, soigner, protégé par les hommes.

 

À titre de réciprocité, les hommes d’aujourd’hui en plus que jamais besoin du cheval. Dans nos sociétés hyper urbanisées, il est le dernier moyen de nous lier encore à la vraie vie, à la nature cette fameuse nature pas toujours bienveillante mais dont notre esprit comme notre corps ou encore tant besoin. Non la mécanisation n’a pas Ringardiser le cheval, non le cheval ce n’est pas le passé, le cheval c’est l’avenir ». (« Le cheval, c’est l’avenir », Jean-Louis Gouraud, ed. Actes Sud)

 

 

Alors saluons au moins les efforts législatifs tendant à améliorer les liens entre les hommes et les chevaux et à se préoccuper ainsi de notre et de leur avenir !

 

 

 

Sophie BEUCHER

Publié le 18.01.2022

A propos de l'auteur

Photo de Sophie  BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS DESS droit des entreprises Membre de l’Institut du Droit Equin Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois Diplômée... En savoir +

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Sophie BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS

DESS droit des entreprises
Membre de l’Institut du Droit Equin
Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois

Diplômée d’un DESS droit des entreprises dispensé par la Faculté de Droit d’Angers, Sophie BEUCHER a intégré le Cabinet LEXCAP en 2004 en qualité de juriste.

Après avoir obtenu son diplôme professionnel par équivalence, elle s’est inscrite au Barreau d’Angers en 2009 tout en poursuivant sa collaboration avec le Cabinet LEXCAP et plus particulièrement avec Thierry BOISNARD dans le domaine du contentieux commercial.

Elle fait partie de l’équipe du secteur contentieux commercial qui intervient dans tous les domaines du droit des affaires.

Sophie BEUCHER est plus particulièrement en charge des contentieux relatifs aux litiges commerciaux, recouvrement de créances, droit de la consommation, droit bancaire, cautionnement, procédures collectives.

Par ailleurs, elle a développé une activité spécifique de droit équin, qu’il s’agisse des procédures judiciaires liées à des mises en jeu de responsabilité, à des ventes de chevaux, relations contractuelles, assurances, indivision, troubles de voisinage…ou qu’il s’agisse de conseils auprès de cavaliers, gérants d’écuries et entraineurs de galopeurs ou trotteurs consistant notamment dans la rédaction de contrats de vente, contrats commerciaux, de sponsoring, de mise en demeures.