La médiation préalable obligatoire dans la fonction publique

   
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Dans le cadre de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, le Gouvernement a entendu favoriser les modes alternatifs de règlement des différends.

L’article 5 de la loi permet ainsi de ratifier l’ordonnance du 16 novembre 2011 qui transposait une directive communautaire du 21 mai 2008 (sic) portant sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

 

Mais surtout, pour le publiciste, cet article entraine des changements notables sur la procédure administrative.

 

Qu’est-ce que la médiation appréhendée par le contentieux administratif :

 

La médiation est définie comme étant (article L 213-1 du Code de justice administrative) :

« tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ».

 

Elle s’applique devant les tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et Conseil d’Etat statuant en premier et dernier ressort (article L 114-1 du Code de justice administrative) mais également devant toutes les juridictions relevant du Conseil d’Etat (Conseils des Ordres professionnels des professions médicales ou para-médicales…).

 

Il s’agit d’un processus confidentiel placé sous l’égide d’un médiateur devant faire preuve d’impartialité, de compétence et de diligence (article L 213-2 du Code de justice administrative).

 

L’issue de la médiation peut acquérir une force obligatoire et exécutoire dans le cadre d’une homologation sollicitée auprès du juge (article L 213-4 du Code de justice administrative).

 

L’initiative de la médiation :

 

Elle peut être décidée et organisée par les parties (article L 213-5 du Code de justice administrative).

 

La médiation peut ainsi être organisée hors toute procédure juridictionnelle.

 

Les parties peuvent également, en dehors de tout contentieux, solliciter du Président d’une juridiction administrative qu’il organise la médiation en définissant la mission ou désignant un médiateur.

 

Dans une telle hypothèse, les délais de recours à l’encontre des décisions administratives sont interrompus jusqu’à la fin de la médiation, telle que décidée par une partie ou le médiateur et les délais de prescriptions sont suspendus et ne peuvent recommencer que pour une durée au moins égale à 6 mois (article L 213-6 du Code de justice administrative).

 

La médiation peut également être décidée par le juge, en cours de procès (articles L 213-7 à L 213-10 du Code de justice administrative).

 

Il appartient néanmoins au magistrat de recueillir préalablement l’accord des parties pour la mise en œuvre de cette mesure.

 

L’expérimentation d’une procédure de médiation obligatoire en matière de fonction publique et de litiges sociaux :

 

L’article 5 de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle ne s’est pas contenté d’intégrer un mode alternatif de règlement au sein du Code de justice administrative.

 

Il a également prévu l’expérimentation d’une procédure préalable obligatoire :

 

« A titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, les recours contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle et les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi peuvent faire l'objet d'une médiation préalable obligatoire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».

 

En ce que la médiation constitue un préalable obligatoire, le législateur a prévu qu’elle devrait se dérouler gratuitement (article L 213-5 du Code de justice administrative).

 

La mise en œuvre est intervenue par l’adoption du décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux, ainsi que des arrêtés subséquents adoptés les 1er, 2 et 6 mars 2018.

 

S’agissant tout d’abord du champ d’application de la procédure préalable obligatoire en matière de fonction publique, le texte vise expressément la nature des décisions concernées à savoir :

- Les décisions individuelles défavorables liées à la rémunération (traitement, supplément familial, indemnité de résidence, autres indemnités…),

- Les décisions portant refus de détachement, de placement en disponibilité ou en congés pour les agents non-titulaires de l’Etat ou des collectivités locales,

- Les décisions individuelles défavorables relatives à la réintégration à l’issue d’un détachement, d’un placement en disponibilité ou d’un congé parental pour les agents non-titulaires visés précédemment.

- Les décisions individuelles défavorables relatives au classement à l’issue d’un avancement de grade ou de changement de corps,

- Les décisions individuelles défavorables relatives à la formation professionnelle,

- Les décisions individuelles défavorables relatives aux mesures prises pour les travailleurs handicapés ou pour l’aménagement des conditions de travail des personnels inaptes.

 

Le texte définit ensuite les agents de la fonction publique spécifiquement concernés, à savoir :

- Les agents de la fonction publique d’Etat mais relevant soit du ministère des affaires étrangères, soit des services académiques et départementaux, des écoles maternelles et élémentaires et des établissements publics locaux d'enseignement du ressort des académies d’Aix-Marseille, Clermont-Ferrand et Montpellier (arrêté du 1er mars 2018 relatif à l'expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique de l'éducation nationale),

- Les agents de la fonction publique territoriale situées dans des départements visés par l’arrêté du 2 mars 2018 relatif à l'expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique territoriale, soit pour ce qui nous concerne plus spécifiquement les agents situés en Bretagne (hors Morbihan) et en Pays-de-la-Loire (hors Mayenne et Sarthe).

 

Il est toutefois rappelé que la mise en œuvre du mécanisme suppose la collectivité ait conclu une convention avec le Centre de Gestion avant le 1er septembre 2018 lui confiant une mission de médiation.

 

Pour ces agents, les textes prévoient expressément que la mission de médiation ne pourra être exercée que sous l’égide respective du médiateur des affaires étrangères, du médiateur académique et du centre de gestion de la fonction publique territorialement compétent, proposant la mission de médiation préalable obligatoire au titre de la mission de conseil juridique.

 

S’agissant ensuite du champ d’application de la procédure préalable obligatoire en matière de litiges sociaux, le texte vise expressément la nature des décisions visées à savoir :

- Les décisions relatives au revenu de solidarité active, y compris les refus de remise d’indu, les décisions relatives aux aides exceptionnelles de fin d’année et les décisions relatives aux aides personnalisées au logement après recours préalable adoptées notamment en Loire-Atlantique et Maine-et-Loire ainsi qu’il résulte de l’arrêté du 6 mars 2018 relatif à l'expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges sociaux,

- Les décisions relatives à l’allocation de solidarité spécifique et les décisions de radiation de la liste des demandeurs d’emploi, prises après recours préalable, notamment dans l’ensemble des départements de la Région Pays-de-la-Loire ainsi qu’il résulte de l’arrêté du 6 mars 2018 relatif à l'expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges sociaux.

 

Cette médiation sera assurée par le Défenseur des droits ou le médiateur régional de Pôle emploi.

 

De manière commune, il est indiqué les règles de délai et de saisine préalable.

 

C’est ainsi que le médiateur devra être saisi dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à son destinataire.

 

Ce délai ne sera toutefois pas opposable à l’agent si la décision ne comporte pas une mention à ce titre dans les voies et délais de recours.

 

Dans les hypothèses applicables, il conviendra donc de prévoir l’obligation préalable de saisir le médiateur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la décision en indiquant expressément les coordonnées du médiateur.

 

La saisine du médiateur devra être effectuée par courrier exposant les motifs et comprendre une copie de la décision contestée.

 

Il est rappelé que la saisine du médiateur interrompt le délai de recours contentieux et suspend les délais de prescriptions, ainsi qu’exposé à l’article L 213-6 du Code de justice administrative (cf. supra).

 

Le décret rappelle que la médiation préalable obligatoire doit être effectuée à peine d’irrecevabilité, à l’instar des « RAPO » (recours administratifs préalables obligatoires).

 

Toutefois, il est également indiqué qu’en cas de saisine du juge administratif dans le délai de recours contentieux, sans exercice préalable de la médiation, le Président de la juridiction devra rejeter la requête comme étant irrecevable mais également transmettre le dossier au médiateur, étant précisé que la saisine de la juridiction interrompt alors les délais.

 

S’agissant de la durée d’application de la mesure expérimentale, le pouvoir réglementaire a indiqué qu’elle concernerait toutes les décisions adoptées à compter du 1er avril 2018 et pour l’ensemble des recours initiés jusqu’au 18 novembre 2020.

 

Bien évidemment, l’ensemble du secteur Droit public du Cabinet LEXCAP se tient à votre disposition pour vous accompagner en amont et pendant le processus de médiation initié.

 

A propos de l'auteur

Photo de Flavien  MEUNIER

Avocat au Barreau de NANTES Master 2 en Droit Communautaire – Juriste en Droit de l’Union Ex-Chargé d’enseignement à l’Université d’Angers Membre... En savoir +

Domaines d'activité :

Droit immobilier Droit public Droit de la santé
Photo de Flavien MEUNIER

Flavien MEUNIER

Avocat au Barreau de NANTES

Master 2 en Droit Communautaire – Juriste en Droit de l’Union

Ex-Chargé d’enseignement à l’Université d’Angers

Membre de l'Association Française des Avocats-Conseils auprès des Collectivités Territoriales

Arbitre sur le site https://madecision.ejust.law/

Titulaire d’un Master 2 en Droit Communautaire – Juriste en droit de l’Union (Université Rennes 1), Flavien MEUNIER a intégré le cabinet LEXCAP en avril 2005 en tant que Juriste et a prêté serment en décembre 2008.

 

Flavien MEUNIER exerce principalement dans trois domaines différents :

 

Tout d'abord, il exerce ses fonctions de conseil et de représentation des personnes publiques et privées dans tous les domaines du Droit Public et de la Construction.

Compte tenu de la complexité de la matière administrative, Flavien MEUNIER a particulièrement orienté son exercice dans les domaines de la fonction publique, l'urbanisme et les contentieux liés à la responsabilité.

A ce titre, il conseille et assiste ses clients tant en phase gracieuse qu’en phase contentieuse devant les juridictions disciplinaires et administratives.

 

Flavien MEUNIER a également développé une activité importante dans le domaine du droit de la santé (responsabilité civile et administrative, contentieux disciplinaire ordinal).

Il intervient tant en demande qu’en défense pour accompagner les établissements de santé, praticiens libéraux et hospitaliers, et particuliers, dans leurs démarches amiables et/ou contentieuses.

 


Enfin, Flavien MEUNIER a développé une activité importante dans le domaine des produits de santé (produits alimentaires, compléments alimentaires, cosmétiques...).

Il assiste les opérateurs économiques dans le cadre de la formulation de leurs produits, vérifie les étiquetages pour assurer leur conformité réglementaire...

Il accompagne les professionnels dans le cadre de leus démarches vis-à-vis des autorités administratives tant en phase gracieuse (recours gracieux, mesures d'injonction, enquête SNE et DGCCRF) qu'en phase contentieuse (Tribunal administratif, Tribunal correctionnel...).



Me MEUNIER est inscrit à l’Ordre des Avocats depuis décembre 2008 et est associé au sein de la SELARL LEXCAP depuis le 1er octobre 2015.