La pension de chevaux relève-t-elle du statut du fermage ?

   
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La Cour d’Appel de MONTPELLIER a rendu un arrêt intéressant le 03 octobre dernier en ce qu’il admet la qualification de bail professionnel et écarte le statut du fermage pour une activité équestre de pension d’équidés.

Les faits sont les suivants : Les parties avaient conclu en 2015 et pour une durée de 6ans un contrat dit « bail de location bâtiment écuries privées pour chevaux » portant sur un bâtiment agricole constitué d’écuries et autres infrastructures dédiées aux chevaux. Le locataire était autorisé à y exercer une activité « d’hébergement ; l’entretien en forme des équidés, l’enseignement dans le bâtiments ».

Le locataire exploitait depuis 2015 en qualité d’auto entrepreneur une activité de pension soit hébergement et soins aux chevaux.

Le 29 mars 2017, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Le preneur s’est alors prévalu d’un bail rural et a saisi le Tribunal Paritaire des Baux ruraux aux fins de voir prononcer la nullité du commandement et de voir ordonner une expertise judiciaire pour déterminer la valeur locative des locaux.

Le Tribunal Paritaire des baux ruraux s’est déclaré incompétent considérant que le contrat était un bail professionnel et a renvoyé le bailleur à saisir le tribunal d’instance.

Le preneur a interjeté appel de ce jugement sollicitant de nouveau que le contrat soit requalifié en bail rural afin qu’il puisse bénéficier du statut du fermage.

La Cour rappelle que, selon l’article L 411-1 du code rural, toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L 311-1 du même code est soumise aux dispositions du statut du fermage.

En l’espèce, les deux premiers critères étaient remplis mais demeurait le point de savoir si le preneur exerçait bien une activité agricole.

Suivant l’article L 311-1 du code rural sont réputées notamment agricoles les activités de préparation et d’entrainement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l’exclusion des activités de spectacles.

La prise en pension peut-elle être intégrée aux activités de préparation et d’entrainement des équidés ?

La circulaire du 21 mars 2007 avait précisé que la prise en pension pure comprenant au plus l’entretien de la litière, l’alimentation et une surveillance à l’herbe ou au paddock ne relevait pas, dans le cas général, du régime de protection sociale des non salariés agricoles, bien que génératrice de BA.

En revanche, la prise en pension qui s'accompagnait d'une garde de l'équidé confié au pré, en paddock ou en boxe, des soins courants et de l'alimentation ainsi que du dressage et/ou de l'entraînement de l'animal sur des terrains appropriés, relevait du régime de protection sociale des non salariés agricoles au titre des activités de dressage et d'entraînement.

En ce sens la Cour considère que l’activité de pension de chevaux ne comprenant que l’hébergement, l’alimentation et les soins de base ne relevait pas d’une activité agricole.

En l’espèce, le preneur faisait valoir qu’il était chargé outre l’hébergement, l’alimentation et les soins aux chevaux d’une prestation de dressage consistant à longer les chevaux qui lui étaient confiés en pension.

Il versait aux débats des attestations de clients confirmant l’avoir chargé de prestations relatives au travail à la longe des chevaux.

La Cour confirme que la prestation de longe pouvait entrer dans le champ des activités de dressage ou d’entrainement des chevaux, soit des activités agricoles, mais rappelle qu’il convient de se placer au jour de la conclusion du contrat pour vérifier l’activité exercée par le preneur.

En effet, la qualification de bail rural s’apprécie à la date de sa conclusion en fonction de la commune intention des parties, telle qu’elle apparait dans la convention conclue entre les parties et telle qu’elle résulte de l’utilisation des lieux.

En l’espèce, le contrat ne faisait pas état de la possibilité pour le locataire d’exercer une activité incluant le travail et la valorisation des chevaux.

Par ailleurs, si le preneur démontrait avoir été chargé de longer les chevaux à compter de 2018, il échouait à rapporter la preuve d’une activité de dressage ou d’entraînement effective à la conclusion du bail en 2015.

La réalité de l’activité agricole n’étant pas établie, la Cour confirme le Jugement et se déclare incompétente pour statuer sur le litige, d’où l’importance qui doivent être accordées à la rédaction et la précision du bail rural conclu entre les parties.

A propos de l'auteur

Photo de Sophie  BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS DESS droit des entreprises Membre de l’Institut du Droit Equin Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois Diplômée... En savoir +

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Sophie BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS

DESS droit des entreprises
Membre de l’Institut du Droit Equin
Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois

Diplômée d’un DESS droit des entreprises dispensé par la Faculté de Droit d’Angers, Sophie BEUCHER a intégré le Cabinet LEXCAP en 2004 en qualité de juriste.

Après avoir obtenu son diplôme professionnel par équivalence, elle s’est inscrite au Barreau d’Angers en 2009 tout en poursuivant sa collaboration avec le Cabinet LEXCAP et plus particulièrement avec Thierry BOISNARD dans le domaine du contentieux commercial.

Elle fait partie de l’équipe du secteur contentieux commercial qui intervient dans tous les domaines du droit des affaires.

Sophie BEUCHER est plus particulièrement en charge des contentieux relatifs aux litiges commerciaux, recouvrement de créances, droit de la consommation, droit bancaire, cautionnement, procédures collectives.

Par ailleurs, elle a développé une activité spécifique de droit équin, qu’il s’agisse des procédures judiciaires liées à des mises en jeu de responsabilité, à des ventes de chevaux, relations contractuelles, assurances, indivision, troubles de voisinage…ou qu’il s’agisse de conseils auprès de cavaliers, gérants d’écuries et entraineurs de galopeurs ou trotteurs consistant notamment dans la rédaction de contrats de vente, contrats commerciaux, de sponsoring, de mise en demeures.