
Le contentieux des autorisations d’urbanisme relatives aux antennes-relais de téléphonie mobile présente, pour tout opposant, un caractère aussi monotone que démoralisant.
Outre qu’ils sont en nombre limités, la majorité des arguments susceptibles d’être développés par les Maires (qui s’opposent aux autorisations d’urbanisme sollicitées par les opérateurs) ou les riverains (qui s’opposent aux autorisations d’urbanisme délivrées par les Maires) a déjà été largement tranchée et écartée par la juridiction administrative.
Sans prétendre à l’exhaustivité, cette dernière considère ainsi que ne permettent pas de s’opposer à une telle autorisation, les arguments tenant :
- A la méconnaissance des règles issues du Code des Postes et Télécommunications Electroniques (par exemple CAA Douai, 13 septembre 2018, n°17DA01709)
- A la nécessité d’un permis de construire, au motif que, située au niveau du terrain naturel, la dalle servant de support au pylône et aux installations techniques ne génère pas d’emprise au sol (Conseil d’Etat, 6 novembre 2019, n°425.364).
- A la restriction des constructions en zones naturelles ou agricoles, le juge administratif faisant bénéficier les installations de téléphonie mobile des dérogations propres aux équipements publics ou d’intérêt collectif (par exemple : CAA Nantes, 2 octobre 2017, n°16NT02326 ; CAA Versailles, 1er décembre 2016, n°15VE03620 ; CAA Nantes, 3 février 2012, n°10NT01244).
- A la méconnaissance des règles de sécurité publique (R.111-2 du code de l’urbanisme ou principe de précaution), au motif que n’est pas établie « en l'état des connaissances scientifiques, [l’existence] de risques, mêmes incertains, de nature à justifier une opposition à la déclaration » (CAA Paris, 31 mai 2018, n°17PA01268 mais également : CAA Paris, 27 septembre 2018, n°17PA02616, CAA Douai, 16 novembre 2017, n°16DA00214)
- A l’atteinte au paysage caractère des paysages et lieux avoisinants, le juge administratif étant prompt à qualifier exclure l’intérêt paysager de simples secteurs agricoles ou naturels (CAA Douai, 16 novembre 2017, n°16DA00214 ; CAA Marseille, 30 juin 2017, n°16MA00614).
- Aux règles d’implantation et de distance, de très nombreux documents d’urbanisme prévoyant de larges dérogations pour les équipements publics (par exemple : CAA Nantes, 27 février 2017, n°15NT02804).
Si ce constat peut paraître amer pour un opposant, il ne doit pas conduire à considérer les opérateurs de téléphonie mobile comme pouvant s’exonérer de l’ensemble des règles d’urbanisme. C’est ce simple constat que vient de rappeler la Cour Administrative d’Appel de Nantes dans deux arrêts du 7 février 2020, dans lesquels elle a justifié deux oppositions à déclarations préalables par l’application des règles du document d’urbanisme propres aux espaces verts (n°19NT00771 ; n°19NT00772).
Dans ces deux instances était en cause l’application à une station relais de l’article 13 du règlement d’un Plan Local d’Urbanisme relatif aux espaces libres. Cet article prévoyait, assez classiquement, que « Il doit être aménagé un espace vert de qualité, d'au moins 20 % de la superficie totale de la parcelle » et que « les espaces libres de toute construction, de stationnement, de stockage et de circulation automobile devront être conservés en pleine terre et si possible aménagés en espaces verts de qualité. »
Appliquant pleinement ces dispositions au projet de l’opérateur, la Cour Administrative d’Appel de Nantes a successivement estimé que :
- Aucune disposition ne permettait à une station relais de téléphonie mobile de s’abstenir du respect des règles propres aux espaces verts ;
- Quand bien même l’emprise du projet serait très limitée par rapport à l’étendue du terrain d’assiette, l’obligation d’aménagement d’espaces verts s’appliquait à l’échelle de l’ensemble de la parcelle. Par cette décision, les magistrats rappellent ainsi que, en dehors d’hypothèses spécifiques (lotissement notamment), un pétitionnaire n’a pas à déterminer lui-même les limites du terrain d’assiette du projet.
- Tous les espaces libres du terrain doivent être aménagés en espaces verts de qualité alors même qu’ils seraient situés en dehors de l’emprise du projet de l’opérateur.
En d’autres termes, l’édification d’une station relais de téléphonie mobile doit conduire l’opérateur à respecter les exigences propres aux espaces verts sur l’intégralité du terrain en cause, y compris en dehors de l’assiette de son projet.
Si la solution juridique est logique, elle implique un casse-tête opérationnel pour l’opérateur de téléphonie mobile. Celui-ci ne peut respecter l’obligation qui lui est imposée qu’en aménageant d’importants espaces verts (2.508,60 m² et 570,80 m² dans les hypothèses en cause). Or, classiquement, il n’a conclu un bail qu’à l’égard de l’emprise de son projet et ne dispose d’aucun droit pour aménager le surplus.
Ces décisions confirment ainsi, si besoin en était, qu’une station relais de téléphonie mobile n’est pas totalement dérogatoire au droit de l’urbanisme et est parfois contrainte, comme toute construction, de s’y soumettre.