Nous poursuivons la semaine avec Alex qui exerce un métier original. Alex, c’est l’anti-agence matrimoniale : il ne fait pas de couples, il défait des couples !
Alex est briseur de couple professionnel ; un métier qui soulève plusieurs questions auxquelles Laurence NOSSEREAU propose de répondre.
L’ARNACOEUR : BRISEUR DE COUPLE PROFESSIONNEL
L’histoire et la problématique
Alex exerce un métier atypique : il est briseur de couple professionnel. Sa spécialité est de briser des couples, parfois juste avant un mariage, pour sauver des femmes "malheureuses".
Mandatés par les proches de la femme "malheureuse", Alex et son équipe tentent de l'inciter à quitter son conjoint.
Pour exécuter ses missions, l'équipe utilise des techniques de drague bien rodées ainsi que des méthodes d'espionnage.
Mais est-il légalement possible d'inciter une personne à se séparer, voire provoquer une infidélité ?
1. Inciter à la rupture : est-ce légal ?
Quitter une personne n'est pas, en soi, une faute. Inciter une personne à en quitter une autre ne peut pas être considéré comme une incitation à commettre une faute au sens légal.
En revanche, les méthodes employées pour parvenir à la séparation peuvent, le cas échéant, être illégales. La légalité de l'objectif (la séparation) n'autorise pas toutes les méthodes !
Ainsi, des méthodes comme celles d'Alex (écouter des conservations privées, entrer dans un lieu privé sans autorisation, géolocaliser des personnes...) sont civilement voire pénalement répréhensibles.
2. Inciter à l’infidélité : est-ce légal ?
En décembre 2020[1], il a été jugé qu'une application qui favorise les rencontres extraconjugales n'est pas illégale.
L'infidélité n'est pas une faute sanctionnable hors du mariage et elle ne peut être invoquée qu'entre époux(ses).
En l’absence de sanction civile de l’adultère en dehors de la sphère des relations entre époux, le devoir de fidélité ne peut justifier une interdiction légale d'une activité commerciales favorisant des rencontres extra-conjugales.
En revanche, la méthode pour provoquer l'infidélité doit être légale, ce qui est le cas d'une application de rencontre mais non de certaines méthodes mises en œuvre dans l'Arnacoeur.
3. Provoquer la faute : est-ce fauter ?
Est-ce que les personnes qui demandent à l’équipe d'Alex d'intervenir commettent une faute?
Il serait probablement difficile d'engager la responsabilité de ces personnes si les méthodes employées pour provoquer la rupture sont légales.
Il peut également être difficile d'apporter la preuve de la "provocation" à la faute.
4. Faute provoquée, faute exonérée ?
L'époux(se) dont la faute (infidélité) a été provoquée peut-il (elle) échapper à sa responsabilité ?
Sauf à démontrer une contrainte (menace, violence, chantage...) l'infidélité "provoquée" n'est pas un motif qui peut permettre à l'infidèle d'échapper à une éventuelle demande de divorce "pour faute".
En revanche, si l'infidèle est en capacité de prouver que son époux(se) a commis elle-même des fautes pour provoquer cette infidélité, le divorce pourrait, in fine, être prononcé aux torts partagés des deux époux.
Que retenir ?
Sous réserve des méthodes mises en œuvre, inciter une personne à rompre ou à être infidèle n'est pas une faute au sens légal.
L'infidélité n'est pas une faute sanctionnable hors du mariage et elle ne peut être invoquée qu'entre époux(ses).
Une infidélité "provoquée" par l'un des époux n'exonère pas l'infidèle de sa responsabilité...mais cela peut engager la responsabilité de l'époux(se) provocateur(trice).
Publié le 15.02.2024
Par Laurence NOSSERAU
[1] Cass 1ère civ, 16 décembre 2020, RG n° 19-19.387