Quand la conjonction des jurisprudences assure un régime pécuniaire favorable aux agents

   
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Il est fréquent qu’un agent qui est déclaré totalement et définitivement inapte à l’exercice de ses fonctions par son administration pour cause de maladie soit placé d’office à la retraite.

 

La première difficulté tient au délai d’instruction du dossier de retraite car entre le moment ou est sollicitée cette mise à la retraite et la liquidation des droits à pension, plusieurs mois s’écoulent durant lesquels est accordée à l’agent une partie de son traitement dans l’attente d’obtenir sa pension de retraite.

 

La seconde difficulté, beaucoup plus contraignante, est que lorsque la retraite est liquidée elle est généralement assortie d’un effet rétroactif à la date à laquelle environ 6 mois plus tôt elle a été sollicitée et que le montant de la retraite est également versé rétroactivement à compter de cette date.

 

Par conséquent, l’agent finit par percevoir une double rémunération : sa pension de retraite avec effet rétroactif et sa rémunération durant l’instruction de son dossier de retraite.

 

Dans une telle hypothèse, l’administration émet très souvent un titre exécutoire afin d’obtenir la restitution des sommes versées au titre de la rémunération durant la période d’instruction du dossier de retraite, considérant que ces sommes ne sont accordées qu’à titre provisoire.

 

Cette position déroge à la règle d’absence de caractère rétroactif d’une décision administrative qui ne doit disposer que pour le présent et l’avenir et non pour le passé.

 

L’administration arguant en réponse qu’il s’agit d’un délai d’instruction d’une demande ce qui justifie le caractère rétroactif de la décision finalement prise de mise à la retraite et le versement de la pension correspondante.

 

L’agent doit donc rembourser environ six mois de rémunération qu’il a utilisée pour subvenir à ses besoins et s’il compense avec sa pension de retraite pour se libérer de cette dette, sa situation financière devient très délicate.

 

La conjonction des jurisprudences eu Conseil d’Etat permet dorénavant d’éviter ces situations ubuesques.

 

D’une part, le Conseil d’Etat a retenu que c CE 6 mai 2019, « Mme A », req. n°418482 : «4. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité ».

 

Si l’administration a placé l’agent dans une situation statutaire et règlementaire durant la période d’instruction de son dossier (souvent disponibilité d’office pour raisons médicales) que cet agent n’a pas atteint la limite d’âge pour faire valoir ses droits à la retraite, et si aucune illégalité n’a été commise concernant sa situation administrative ou médicale, le caractère rétroactif de la mise en retraite est illégal.

 

D’autre part, le Conseil d’Etat considère également que : c CE 9 novembre 2018 « Commune de Perreux sur Marne », req. n°412684 : « 6. Considérant, d'autre part, que la circonstance que la décision prononçant la reprise d'activité, le reclassement, la mise en disponibilité ou l'admission à la retraite rétroagisse à la date de fin des congés de maladie n'a pas pour effet de retirer le caractère créateur de droits du maintien du demi-traitement prévu par les dispositions citées au point 4 ; que, par suite, en jugeant que le demi-traitement versé au titre de ces dispositions ne présentait pas un caractère provisoire et restait acquis à l'agent alors même que celui-ci avait, par la suite, été placé rétroactivement dans une position statutaire n'ouvrant pas par elle-même droit au versement d'un demi-traitement, la cour administrative d'appel de Paris a fait une exacte application de ces dispositions ».

 

Le fonctionnaire qui placé en disponibilité d’office pour raison médicale dans l’attente de la liquidation de sa retraite qui durant cette période perçoit un demi traitement et qui ensuite est admis à la retraite conserve les sommes qui lui ont été versées durant la phase d’instruction de son dossier de mise à la retraite.

 

Quant à la mise à la retraite, et sauf exception, elle ne peut présenter un caractère rétroactif au motif qu’il s’agirait d’un délai d’instruction et la pension de retraite ne doit pas être versée à titre rétroactif.

 

La combinaison de ces deux arrêts du Conseil d’Etat permet donc à un agent qui perçoit une partie de sa rémunération durant la phase d’instruction de son dossier de mise à la retraite de conserver ces sommes tout en bénéficiant à la suite du versement de sa retraite sans effet rétroactif ce qui ne l’oblige donc pas à restituer les sommes perçues à ce titre durant la durée d’instruction de son dossier.

A propos de l'auteur

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Avocat au Barreau de RENNES Spécialiste en droit public Qualifications spécifiques en : droit de la fonction publique, droit électoral, droit institutionnel local, droit de la... En savoir +

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Marc CAZO

Avocat au Barreau de RENNES

Spécialiste en droit public
Qualifications spécifiques en : droit de la fonction publique, droit électoral, droit institutionnel local, droit de la domanialité publique.
Chargé d’enseignement à l’Université de Rennes I et de Nantes.

Titulaire d’un Doctorat en droit public obtenu à l’Université de Rennes, Marc CAZO est en charge du conseil et du contentieux relatifs au droit public et plus spécifiquement celui de la fonction publique. Il est titulaire de la mention légale de spécialisation en droit public depuis l’année 2005.

Son activité le conduit à conseiller les collectivités et les agents dans tous les aspects du recrutement et du déroulement de carrière des fonctionnaires.

Marc CAZO traite également du contentieux attaché à ces domaines (référés suspension, référés liberté, recours indemnitaires, recours pour excès de pouvoir…).

Il intervient également dans le domaine de la responsabilité administrative, du droit de l’urbanisme et du droit électoral.

Il a développé une activité de formation et, à ce titre, intervient auprès de l’Ecole des Avocats du Grand Ouest (EDAGO). Il est chargé d’enseignement à l’Université de Rennes I et de Nantes.

Me CAZO est inscrit à l’Ordre des Avocats de Rennes depuis septembre 2000.

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