Action en démolition engagée par une Commune

   
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Depuis le 14 juillet 2010, l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme permet à la personne publique compétente en matière de plan local d’urbanisme de saisir de tribunal de grande instance afin de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage construit sans autorisation ou en méconnaissance d’une autorisation d’urbanisme.

L’action civile prévue par cet article se prescrit par dix ans à compter de l’achèvement des travaux, excédant ainsi le délai de prescription de l’action publique, passé de 3 à 6 ans depuis le 28 février 2017 (article 8 code de procédure pénale) dans lequel les communes peuvent agir sur le fondement de l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme.

Il excède également le délai de droit commun de l’action civile, pouvant être exercée sur le fondement de l’article 1240 (ancien article 1382) du code civil dans un délai de 5 ans à compter de l’achèvement de la construction irrégulièrement édifiée (article 2224 du code civil) par tout tiers subissant un préjudice personnel et direct en raison d’une construction irrégulière.

Les sanctions sollicitées par les communes sur le fondement de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme s’imposent alors au juge judiciaire, dès lors que les conditions prévues par le texte sont réunies. La Cour d’appel de Paris a ainsi indiqué que « ces dispositions doivent être appliquées dès lors que, comme en l’espèce, la commune a saisi le tribunal, dans les 10 ans de la réalisation de l’ouvrage litigieux, sans que celui-ci ait jamais fait l’objet de l’autorisation d’urbanisme nécessaire à sa construction. » (CA Paris, 10 novembre 2017, n° 15/20013).

L’arrêt ici commenté (Civ. 3ème, 16 mai 2019, n° 17-31757) est l’occasion pour la Cour de cassation de préciser les conditions d’application de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme.

En l’espèce, un propriétaire avait implanté, sans autorisation, plusieurs constructions sur son terrain. La commune l’avait alors assigné en démolition, sur le fondement de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme.

La société propriétaire soutenait que la demande de la commune devait être rejetée dès lors qu’elle ne justifiait pas d’un préjudice personnel directement causé par la construction et n’avait donc pas intérêt à la démolition de l’ouvrage irrégulièrement implanté, au sens de l’article 31 du code de procédure civile.

Pour rappel, l’article 31 de ce code ouvre l’action « à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention (…) ».

La question posée à la Cour était donc de savoir si la commune devait justifier d’un préjudice causé par la construction irrégulière pour pouvoir agir sur le fondement de l’article L. 480-14 du CU.

Rejetant l’argumentation de la société, la Cour de cassation a indiqué que l’action ouverte à la commune par l’article L. 480-14 du CU « est destinée à faire cesser une situation illicite » et que « la volonté du législateur d’attribuer une action spécifique au profit de la commune serait compromise si cette action obéissait à la même condition de preuve d’un préjudice que l’action de droit commun ouverte à tout tiers victime de la violation de règles d’urbanisme ».

L’article L. 480-14 du code de l’urbanisme ouvre donc à la commune une « action autonome ne nécessitant pas la démonstration d’un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulière ».

Par conséquent, et fort logiquement, ayant constaté l’irrégularité des ouvrages construits par la société sans permis de construire, la cour d’appel a exactement déduit que la demande en démolition devait être accueillie.

On ne peut que saluer la solution retenue par la Cour de cassation qui préserve toute l’utilité de l’action ouverte spécialement aux communes en facilitant leur démarche à l’encontre des constructions irrégulières implantées sur leur territoire.

A propos de l'auteur

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Avocat au Barreau de RENNES Spécialiste en droit public Spécialiste en droit immobilier Qualifications spécifiques en droit de l’urbanisme, droit de l’aménagement,... En savoir +

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Jean-François ROUHAUD

Avocat au Barreau de RENNES

Spécialiste en droit public
Spécialiste en droit immobilier
Qualifications spécifiques en droit de l’urbanisme, droit de l’aménagement, droit de l’expropriation
Chargé d’enseignement à l’Université de Rennes 1
Membre de la commission « urbanisme » de l’Ordre National des Géomètres-Experts

Titulaire d’une maîtrise en droit public, d’un DEA et d’un Magistère en droit de l’urbanisme et de l’environnement obtenus au cours de l’année 2000 à l’Université de Limoges, dans le cadre du Centre de recherche interdisciplinaire en droit de l’environnement, de l’aménagement et de l’urbanisme (CRIDEAU), Jean-François ROUHAUD a débuté son activité professionnelle au sein du Cabinet rennais de LEXCAP duquel il est associé depuis 2012.Il prend en charge les dossiers ayant trait aux droits de l’urbanisme et de l’aménagement, qu’il s’agisse de dossiers de conseil ou de dossiers pré-contentieux ou contentieux. Son activité couvre tous les champs du droit de l’urbanisme : planification (SCOT, PLU, Carte communale, SMVM, Charte de PNR…), urbanisme opérationnel (ZAC, lotissement…), autorisations d’occupation et d’utilisation du sol, fiscalité de l’urbanisme, loi « littoral », préemption et expropriation, urbanisme commercial…

Jean-François ROUHAUD est membre de la commission « urbanisme » de l’Ordre National des Géomètres-Experts, chargé d’examiner les évolutions législatives et réglementaires en la matière. Il est titulaire de la mention légale de spécialisation en droit de l’urbanisme depuis l’année 2009. A la suite de la réforme des mentions de spécialité et depuis l’année 2012, il est titulaire de la mention de spécialité en droit immobilier et de la mention de spécialité en droit public ainsi que des qualifications spécifiques en droit de l’urbanisme, en droit de l’aménagement et en droit de l’expropriation.

Jean-François ROUHAUD prend également en charge les problématiques ayant trait plus spécifiquement au droit de l’environnement, lorsque ces problématiques sont annexes à des opérations d’aménagement et d’urbanisme (droit des études d’impacts, droit des enquêtes publiques…) mais encore lorsqu’il s’agit de dossiers relevant de la sphère purement environnementale (législation sur l’eau, législation installations classées, législation déchets, législation sur les espèces protégées…). Jean-François ROUHAUD participe ainsi de façon régulière à des missions d’assistance et de conseil à l’élaboration de documents de planification : schéma d’alimentation en eau potable, schéma d’aménagement et de gestion des eaux, charte de PNR…

Enfin, il assure une activité de formation auprès de différents organismes (CNFPT, Université, organismes de formations privés…). Il intervient, en droit de l’urbanisme, auprès du Centre régional de formation à la Profession d’Avocats (EDAGO). Il est chargé d’enseignement à l’Université de Rennes I (droit de l’urbanisme et droit de l’environnement).

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