Adjugé et bien vendu

   
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Pour vendre un cheval, les éleveurs ou les propriétaires peuvent utiliser plusieurs formes de vente. Bien entendu, on pense à la vente de gré à gré qui fut longtemps la plus répandue. Si les foires ou l’éleveur proposait ses produits à la vente ont pratiquement disparues, il reste que les ventes de gré à gré se pratiquent toujours notamment pour les chevaux de selle avec un accroissement des ventes par internet.

 

Mais pour les chevaux de courses, d’autres formes de ventes sont pratiquées de façon prépondérante. Ainsi la vente à réclamer constitue un système de vente spécifique aux monde hippique qui occupe une place importante sur le marché des transactions.

 

En 2016, 561 trotteurs ont été réclamés pour un montant total de 6.343.952 euros, soit un prix moyen par trotteur vendu de 11.308 euros.

 

Par comparaison, en 2016, 1.619 trotteurs ont été vendus aux enchères publiques pour un prix global de 14.126.210 euros, soit un prix moyen par trotteur de 8.725 euros.

 

Ainsi, les ventes faites aux enchères publiques représentent 2/3 des ventes à réclamer et constituent à l’évidence le mode de vente le plus usuel pour les chevaux de courses.

 

Si la crise de la filière a évidemment impacté le volume des ventes aux enchères, malgré une belle embellie en 2017, ce système de vente reste très prisé et indispensable.

 

D’ailleurs les opérateurs de vente aux enchères publiques de chevaux, et notamment ARQANA TROT, leader incontesté, ont su attirer une clientèle de qualité notamment étrangère permettant de parvenir quelquefois à des prix élevés.

 

Par exemple, lors de la vente de yearlings trotteurs à DEAUVILLE organisée par ARQANA TROT le 07 septembre dernier le top price s’est élevé à 400.000 euros pour HUNTER VALLEY sœur de l’inévitable BOLD EAGLE et fille de CHARLY DU NOYER lui-même fils de READY CASH.

 

Le succès des ventes aux enchères publiques si important pour l’élevage français s’explique par les avantages indéniables que procure ce type de vente. Pour autant, ce système de vente comporte un certain nombre de risques qu’il vaut mieux connaitre.

 

I – Les avantages de la vente aux enchères

 

L’élément essentiel réside dans la sécurité qu’apporte ce système de vente pour le vendeur comme pour l’acheteur.

 

L’encadrement juridique
 
Il faut distinguer les ventes volontaires aux enchères publiques des ventes judiciaires aux enchères publiques.
 
Les ventes judiciaires sont celles qui sont prescrites par la loi ou par décision de justice et sont réglementées par la Loi du 09 juillet 1991 et par le code des procédures civiles d’exécution.
 
Il s’agit de ventes ordonnées par la justice en cas de défaillance d’un débiteur dont les chevaux sont saisis et vendus, en cas de liquidation judiciaire, mais aussi en cas de liquidation d’une succession ou d’une indivision prononcée par décision de justice.
 
Quant aux ventes volontaires aux enchères publiques qui sont évidemment les plus importantes, elles sont régies par le code de commerce (article L 320-1 et suivants et R 321-1 et suivants).
 
Ces dispositions résultent de deux Lois, l’une du 10 juillet 2000, l’autre du 20 juillet 2011 qui ont profondément remanié les textes existants et ont réglementé très précisément ces ventes.
 
En pratique il en résulte que les parties à la vente n’ont pas besoin de souscrire un contrat avec toutes les clauses nécessaires comme dans une vente de gré à gré puisque les conditions générales de vente des opérateurs conformes aux textes légaux s’imposent à eux.
 

La fiabilité de l’opérateur de ventes
 
Là encore il s’agit d’une profession très réglementée. L’opérateur qui peut être une personne physique, le commissaire-priseur de ventes volontaires ou le plus souvent une société comprenant un commissaire-priseur qui tient le marteau, doit remplir diverses conditions justifiant sa compétence, sa moralité et sa solvabilité.
 

- Etre de nationalité française ou ressortissant d’un état membre de l’union européenne et avoir une agence en France

- N’avoir pas fait l’objet d’une condamnation pénale

- Avoir la qualification requise en justifiant du diplôme de commissaire-priseur de ventes volontaires

- Déclarer son activité au conseil des ventes volontaires, organisme de contrôle doté d’un pouvoir disciplinaire

- Etre muni d’un mandat écrit du vendeur avant de réaliser la vente

- Soumettre ses comptes à un commissaire aux comptes

- Justifier d’une assurance professionnelle et d’un cautionnement ou assurance garantissant le paiement des fonds détenus pour autrui

 

L’opérateur élabore des conditions générales de vente extrêmement précises jointes au catalogue de vente et permettant à chacun de connaitre ses droits et obligations.


L’opérateur va réaliser la publicité préalable à la vente, établir le catalogue de vente, organiser les journées de vente dans des lieux adéquats (comme DEAUVILLE ou VINCENNES), organiser la présentation des chevaux, diriger les enchères, prononcer l’adjudication du cheval, puis assurer la remise du cheval à l’acheteur et le paiement du prix au vendeur.
 
L’opérateur fait intervenir un certain nombre d’intermédiaires (experts, vétérinaires, aides à la vente etc) qui travaillent sous sa responsabilité et ne peuvent pas non plus se porter acquéreurs des chevaux présentés.
 

Un prix sécurisé et garanti
 
Pour le vendeur la vente au « mieux disant » constitue la garantie que son cheval est vendu au prix le plus élevé possible, prix qu’il n’aurait probablement pas atteint dans une vente de gré à gré.
 
Non seulement son cheval est bien vendu mais surtout le prix est garanti.
 
En effet, les opérateurs tels qu’ARQANA prévoient une clause « ducroire », spécificité de la vente aux enchères de chevaux, qui signifie que l’opérateur se porte garant du règlement du prix d’adjudication et s’engage à le verser au vendeur dans les 30 jours sauf litige entre vendeur et acheteur.
 
En outre, le vendeur peut fixer un prix de réserve soit le prix minimal au-dessous duquel le cheval ne peut être vendu, de sorte que si ce prix n’est pas atteint le cheval n’est pas vendu.
 
Les conditions financières de la vente sont connues à l’avance, à savoir des frais de vente à la charge de l’acquéreur de 6 % HT du prix d’adjudication pour ARQANA, des frais d’inscription payés par le vendeur et des commissions aux intermédiaires prélevées sur le compte du vendeur de 10 % pour un yearling ou un cheval à l’entrainement et de 5 % pour les autres équidés ou parts d’étalon.
 
Quant à l’acquéreur il peut se faire assister ou représenter par un professionnel faire appel à un vétérinaire, voir les chevaux convoités avant la vente.
 
Ce sont tous ces éléments et bien d’autres qui font l’attrait de ces ventes volontaires aux enchères publiques.
 
II – Les risques à connaitre
 
Pour autant, ce système de vente présente nécessairement quelques risques qu’il faut connaitre :
 
- En cas d’accident le vendeur reste responsable des dommages causés par ou à son cheval jusqu’au prononcé de l’adjudication.
 
Il en est de même des opérations d’embarquement et de débarquement des chevaux.
 
- Le vendeur reste seul responsable des déclarations faites relatives à l’état de santé du cheval présenté.
 
Il doit avant la vente signaler toute erreur figurant au catalogue, à défaut de quoi il est censé avoir approuvé tous les renseignements fournis et est donc responsable de leur exactitude.
 
- Le vendeur doit fournir la carte d’immatriculation du cheval, le livret signalétique, le cas échéant le certificat de saillie, un test de coggins négatif et en général un dossier vétérinaire comprenant au moins des radios des boulets et des jarrets et des certificats vétérinaires.
 
- Le vendeur doit prévoir la présence d’un homme d’écurie pour trois chevaux présentés et devra obligatoirement être présent ou représenter lors de la vente.
 
- Si sans excuse valable le vendeur ne présente pas son cheval à la vente il s’expose, en sus des frais d’inscription, à une pénalité de 3.000 euros.
 
- L’enchérisseur est réputé porté l’enchère pour lui-même et sera déclaré adjudicataire.
 
S’il déclare agir pour le compte d’un propriétaire, ce qui est le cas des courtiers ou des entraineurs, il doit justifier d’un pouvoir écrit sauf empêchement jugé légitime.
 
- L’adjudicataire doit immédiatement s’acquitter du prix sauf délai consenti par l’opérateur.
 
A défaut, il s’expose à des intérêts de retard (0.75 % par mois), à ne pouvoir obtenir le bon de sortir et les papiers du cheval, avoir le cheval remis en vente sur folle enchère après une mise en demeure de payer restée infructueuse.
 
- Les garanties offertes à l’adjudicataire sont en général restreintes.
 
Il ne peut invoquer la garantie de non-conformité du code de la consommation inapplicable pour les ventes aux enchères.
 
Il peut invoquer les vices rédhibitoires du Code Rural mais en pratique cette garantie est très difficile à mettre en œuvre.
 
En général la garantie des vices cachées est exclue dans les conditions de vente qui peuvent prévoir une garantie contractuelle (dans les conditions de vente d’ARQANA la garantie contractuelle est limitée à une durée de 30 jours après la vente).
 
L’acquéreur a donc intérêt pour limiter les risques à faire examiner le cheval convoité de façon très complète par un vétérinaire pour éviter tout déboire ultérieur.
 
En conclusion, la vente volontaire aux enchères publiques pour les foals, yearling, chevaux à l’entrainement, poulinières, étalons, ou parts d’étalons, constitue un excellent système de vente indispensable à l’économie de la filière.
 
Tout juste faut-il souligner pour le déplorer, qu’aujourd’hui le marché dépend des investisseurs étrangers, même s’il est vrai qu’un tiers environ des chevaux achetés par un adjudicataire étranger reste en France pour être confié à un entraîneur et courir en France.
 

A propos de l'auteur

Photo de Sophie  BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS DESS droit des entreprises Membre de l’Institut du Droit Equin Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois Diplômée... En savoir +

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Photo de Sophie BEUCHER

Sophie BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS

DESS droit des entreprises
Membre de l’Institut du Droit Equin
Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois

Diplômée d’un DESS droit des entreprises dispensé par la Faculté de Droit d’Angers, Sophie BEUCHER a intégré le Cabinet LEXCAP en 2004 en qualité de juriste.

Après avoir obtenu son diplôme professionnel par équivalence, elle s’est inscrite au Barreau d’Angers en 2009 tout en poursuivant sa collaboration avec le Cabinet LEXCAP et plus particulièrement avec Thierry BOISNARD dans le domaine du contentieux commercial.

Elle fait partie de l’équipe du secteur contentieux commercial qui intervient dans tous les domaines du droit des affaires.

Sophie BEUCHER est plus particulièrement en charge des contentieux relatifs aux litiges commerciaux, recouvrement de créances, droit de la consommation, droit bancaire, cautionnement, procédures collectives.

Par ailleurs, elle a développé une activité spécifique de droit équin, qu’il s’agisse des procédures judiciaires liées à des mises en jeu de responsabilité, à des ventes de chevaux, relations contractuelles, assurances, indivision, troubles de voisinage…ou qu’il s’agisse de conseils auprès de cavaliers, gérants d’écuries et entraineurs de galopeurs ou trotteurs consistant notamment dans la rédaction de contrats de vente, contrats commerciaux, de sponsoring, de mise en demeures.