La garantie des vices cachés ne se cache plus !

   
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Pour des questions de moralité, mais aussi d’équilibre du contrat de vente, il est logique que l’acheteur d’un cheval puisse bénéficier de certaines garanties. Notamment, l’acheteur souhaite que lui soient garanties la bonne santé du cheval acheté et son aptitude à satisfaire l’usage auquel il est destiné. Malheureusement il existe une grande quantité de garanties possibles, de sorte qu’il en résulte beaucoup de confusion et finalement trop d’insécurité juridique ! C’est notamment le cas pour la garantie des vices cachés, dont les conditions d’application sont incertaines et trop souvent discutées.

Les garanties offertes en cas de vente :

Outre les garanties inhérentes à tout contrat, et notamment les vices du consentement, c’est-à-dire pour l’essentiel l’erreur et le dol, rappelons simplement les garanties les plus fréquemment applicables en matière de vente de chevaux :

1-La garantie des vices rédhibitoires :

Il s’agit de la garantie légale applicable à toute vente, définie par l’article L213-1 du code rural .

Les vices rédhibitoires sont :

–l’immobilité.

–L’emphysème pulmonaire.

-Le cornage chronique.

-Le tic proprement dit avec ou sans usure des dents.

-Les boiteries anciennes intermittentes.

–L’uvéite isolée.

–L’anémie infectieuse des équidés.

En réalité cette réglementation, qui date du XIXe siècle, est totalement dépassée et peu utilisée pour au moins deux raisons :

–D’une part les vices concernés sont restreints et peu adaptés à notre époque. (Les experts vétérinaires ont par exemple bien du mal à s’accorder sur la notion de boiterie ancienne intermittente !).

-D’autre part et surtout les délais pour engager les procédures devant le tribunal de 10 jours ou 30 jours à compter de la livraison du cheval sont beaucoup trop courts, rendant très difficile la mise en œuvre de cette garantie. Pourtant, malgré les critiques qu’elle suscite, cette garantie quasi inapplicable demeure toujours en vigueur !

2-La garantie de conformité :

Si le législateur a fini par reconnaître, y compris dans le Code civil, que l’animal domestique, et donc le cheval, était un être vivant doué de sensibilité, pour autant et non sans incohérence, il continue à traiter les animaux comme des objets. Ainsi le Code civil ne fait pas de distinction entre un meuble, par exemple un vélo, et un cheval !

Ceci explique que s’applique aux chevaux la garantie de conformité figurant dans le code de la consommation (article L213-4).

Toutefois cette garantie ne peut s’appliquer que si l’acheteur est un consommateur, et donc un particulier, et que le vendeur est un professionnel, ce qui est non seulement restrictif mais surtout source de difficulté. En effet il n’est pas toujours aisé de définir si l’acheteur agit en qualité de simple consommateur et si le vendeur agit à titre professionnel.

En outre il est bien difficile de définir la "conformité“ pour un cheval dont tant le physique que le psychique vont nécessairement évoluer entre son achat et le moment où l’acquéreur va tenter de remettre en cause la vente. Enfin, la loi du 13 octobre 2014 a supprimé pour les animaux domestiques, et donc pour les chevaux, la présomption d’antériorité à la vente du vice dénoncé dans les six mois de la vente. Autrement dit, l’acheteur doit aujourd’hui prouver que le défaut existait bien avant la vente.

En définitive cette garantie pose plus de problèmes qu’elle n’en résout et est aussi très mal adaptée à la vente de chevaux.

3-La garantie des vices cachés :

L’article 1641 du Code civil définit le vice caché comme le défaut rendant la chose vendue, en l’occurrence le cheval, impropre à l’usage auquel on le destine ou qui en diminue tellement l’usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il avait connu ce défaut.

La garantie ne joue que si le vice est caché et donc non apparent. Le vice apparent et celui qui peut être connu dans son ampleur et dans ses conséquences, au besoin par une visite d’achat vétérinaire.

L’acquéreur doit là encore démontrer l’existence du vice avant la vente.

C’est la raison pour laquelle une expertise judiciaire préalable par un vétérinaire sera souvent sollicitée pour établir l’antériorité du vice à la vente avant d’agir en résolution de cette vente.

Quant au délai d’action, il est de 2 ans à compter de la découverte du vice, délai qui apparaît évidemment beaucoup trop long et entraîne pour le vendeur une insécurité très préjudiciable.

En outre, le vendeur professionnel, c’est-à-dire par exemple un éleveur, est considéré comme vendeur de mauvaise foi en cas de vice caché. Autrement dit il est censé avoir connu l’existence du vice au moment de la vente et ne l’avoir pas révélé.

Cette présomption est grave de conséquences pour le vendeur qui s’expose alors non seulement à la restitution du prix de vente, mais encore à des dommages intérêts tels que les pensions payées, les frais vétérinaires exposés etc.…

Cette garantie n’est donc pas non plus parfaitement adaptée à la vente de chevaux.

Pour autant, pour la moralité des transactions, il est important d’accorder à l’acquéreur d’un cheval une garantie suffisante de bonne santé et de bon usage du cheval acheté.

La garantie des vices cachés, à la condition d’être correctement aménagée, pourrait sans doute répondre à cette préoccupation.

Les conditions d’application de la garantie des vices cachés :

Là encore la situation est confuse et bien difficile à apprécier pour un non juriste!

Certes, pour les trotteurs une écrasante majorité des ventes est effectuée aux enchères publiques. En ce cas la vente est régie par les conditions générales de vente de l’organisateur des enchères qui serviront d’encadrement juridique et s’imposeront au vendeur et à l’acquéreur.

Pour les vente de gré à gré, la situation est plus complexe : En effet pour que la garantie des vices cachés s’applique, il faut que les parties l’aient voulu.

Autrement dit, si la vente est exclusivement conclue aux conditions ordinaires de droit, seule s’appliquera la garantie des vices rédhibitoires du code rural.

Si les parties ont signé un contrat de vente stipulant que le vendeur garantit les vices cachés, alors cette garantie s’appliquera sans difficulté.

C’est là encore l’illustration de l’intérêt de rédiger un contrat de vente écrit, en utilisant par exemple le modèle proposé gratuitement par l’institut de Droit Équin sur son site internet.

En effet, en l’absence de contrat écrit, ce qui est encore trop fréquent, surgit alors la difficulté de savoir si les parties ont voulu appliquer ou exclure la garantie des vices cachés.

La Cour de cassation avait rappelé par plusieurs arrêts en 2001 et 2002 que seule était applicable la garantie des vices rédhibitoires, sauf convention contraire.

Mais en 2009 la même Cour de cassation a admis que la convention contraire, c’est-à-dire l’application de la garantie des vices cachés, pouvait être accordée tacitement par le vendeur.

Ainsi les juges ont admis qu’en fonction du prix payé et surtout de la destination prévue du cheval acheté, on pouvait admettre l’existence d’une convention tacite de garantie des vices cachés.

Pour autant certaines Cours d’appel n’ont admis que très difficilement l’existence de cette garantie. Or, 3 arrêts récents des Cours d’appel de Rennes et de Bordeaux rendus cet automne, semblent confirmer la tendance à admettre de plus en plus aisément l’existence d’une garantie tacite des vices cachés.

Ainsi les juges ont admis l’application de la garantie pour un cheval acheté seulement 1700€ , dès lors que l’usage du cheval était cumulativement consacré aux activités de loisir et sportives. Les juges l’ont également admis par exemple pour une jument dotée de bonnes origines, acquise en vue de l’élevage.

On peut donc aujourd’hui admettre que la vente d’une poulinière, d’un étalon, ou d’un trotteur prêt à courir, sera, même en l’absence d’écrit, soumise à la garantie des vices cachés, dès lors qu’on admettra qu’acquéreur et vendeur destinaient l’équidé à un usage spécifique.

En conclusion, si la garantie des vices cachés est de plus en plus admise, à l’heure des vœux, émettons le souhait, peut-être guère réaliste, de parvenir enfin à une réforme législative. Celle-ci pourrait consister non pas à adopter un système universel, ce qui par les temps qui courent est explosif, mais au moins spécifique et adapté aux ventes de chevaux. Ce régime pourrait donc retenir la garantie des vices cachés aménagée au moins dans la durée (une garantie de 3 à 6 mois à compter de la livraison paraîtrait raisonnable).

Celle-ci pourrait également supprimer la présomption de mauvaise foi du vendeur, l’acheteur devant prouver qu’il avait connaissance du vice avant la vente. Alors, on pourra dire, tout comme le Marquis de Sade, que le vice est devenu vertu !

A propos de l'auteur

Photo de Sophie  BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS DESS droit des entreprises Membre de l’Institut du Droit Equin Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois Diplômée... En savoir +

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Photo de Sophie BEUCHER

Sophie BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS

DESS droit des entreprises
Membre de l’Institut du Droit Equin
Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois

Diplômée d’un DESS droit des entreprises dispensé par la Faculté de Droit d’Angers, Sophie BEUCHER a intégré le Cabinet LEXCAP en 2004 en qualité de juriste.

Après avoir obtenu son diplôme professionnel par équivalence, elle s’est inscrite au Barreau d’Angers en 2009 tout en poursuivant sa collaboration avec le Cabinet LEXCAP et plus particulièrement avec Thierry BOISNARD dans le domaine du contentieux commercial.

Elle fait partie de l’équipe du secteur contentieux commercial qui intervient dans tous les domaines du droit des affaires.

Sophie BEUCHER est plus particulièrement en charge des contentieux relatifs aux litiges commerciaux, recouvrement de créances, droit de la consommation, droit bancaire, cautionnement, procédures collectives.

Par ailleurs, elle a développé une activité spécifique de droit équin, qu’il s’agisse des procédures judiciaires liées à des mises en jeu de responsabilité, à des ventes de chevaux, relations contractuelles, assurances, indivision, troubles de voisinage…ou qu’il s’agisse de conseils auprès de cavaliers, gérants d’écuries et entraineurs de galopeurs ou trotteurs consistant notamment dans la rédaction de contrats de vente, contrats commerciaux, de sponsoring, de mise en demeures.