La micro-entreprise dans le domaine du cheval

   
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L’institut du droit équin (IDE) vient de réaliser une étude sur l’application dans la filière cheval du régime de la micro entreprise.

 

Cette étude est riche en enseignement, révélant tout à la fois les grands avantages mais aussi les dangers de ce régime.

 

Le statut de l’auto entrepreneur (devenu micro entrepreneur en 2014) a été créé par la loi de modernisation de l’économie du 04 août 2008 et a connu un succès grandissant dont les causes sont multiples : Phénomène d’ubérisation qui touche tous les secteurs de l’économie, et surtout attractivité du régime de la micro entreprise qui présente des avantages indéniables sur le plan administratif, social, comptable et fiscal.

 

Les mesures gouvernementales prises début 2018 particulièrement incitatives avec le doublement des plafonds au deçà desquels le régime est applicable, ont encore accentué le phénomène. Ainsi plus de 2/5° des entreprises créées en France sont des micros entreprises, avec plus de 25.700 de créations par mois depuis début 2018, et plus d’1,1 million de micro entrepreneurs.

 

Toutes les catégories professionnelles sont concernées : commerce, industrie, prestation de service, aide à la personne etc.… La micro entreprise est adaptée aussi bien pour des jeunes pour un premier emploi, pour des chômeurs qui ont du mal à trouver un emploi à leur convenance (même en traversant la rue !), pour des professionnels salariés ou non à la recherche d’un revenu complémentaire, ou encore pour des retraités dont les revenus sont insuffisants.

 

Pour autant il fait tempérer ce constat pour deux raisons :

- D’une part, le régime de micro entrepreneur n’est pas autorisé pour certaines professions comme par exemple les vétérinaires, et pour certains secteurs d’activités comme le monde agricole.

- D’autre part, la durée de vie des micro entreprises est en général courte, seules 23% d’entre elles subsistent au bout de 5 ans.

 

Le monde du cheval n’échappe pas à la tentation d’adopter ce régime quand cela est possible, mais encore faut-il se méfier d’une application abusive avec des risques importants de requalification en contrat de travail.


 
1/ Le Cadre légal de la micro entreprise :

 

Tout d’abord, les formalités administratives notamment d’inscription comme micro entrepreneur sont réduites à l’extrême.

 

Sur le plan comptable, là encore, la simplification est de mise, avec la tenue d’une comptabilité de base recettes-dépenses et la possibilité de souscrire une clause de confidentialité pour éviter la publicité des comptes.

 

Si le chiffres d’affaires annuel est inférieur à : 82.800 euros HT pour les activités d’achats vente et 33.200e euros HT pour les activités de prestations de services, le micro entrepreneur ne peut pas déclarer, ni payer, ni facturer de TVA, ce qui intéresse évidemment le client donneur d’ordre.

 

Sur le plan social, les charges sociales sont proportionnelles au chiffre d’affaires réalisé sans décalage dans le temps. Le taux de prélèvement forfaitaire applicable est de :


- 12,8 % pour les activités d’achats vente
- 22 % pour les activités de prestation de services

 

Si le micro entrepreneur ne réalise pas de chiffre d’affaires, il ne doit pas de charges sociales.

 

Le revers de la médaille c’est l’impact sur le montant de la retraite en cas d’absence de cotisation ou de cotisations faibles.

 

Sur le plan fiscal le micro entrepreneur est assujetti à l’impôt sur le revenu mais son bénéfice imposable est affecté d’une décote importante de :

- 71 % pour les activités d’achats ventes

- 50 % pour les activités relevant des BIC

- 34 % pour les activités relevant des BNC

 

Pour pouvoir bénéficier de ce régime de micro entreprise, il ne faut pas dépasser certains seuils de chiffres d’affaires annuels soit :


- 170.000 euros pour les activité d’achat vente
- 70.000 euros pour les activités de prestation de service

 

Enfin, il n’existe pas de statut juridique spécifique pour le micro entrepreneur, celui-ci pouvant exercer sous la forme d’une entreprise individuelle, entreprise individuelle à responsabilité limitée ou entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée.

 
2/ L’exclusion des activités agricoles :

 

Seules les activités commerciales, artisanales ou libérales à l’exclusion des activités agricoles peuvent bénéficier de ce système. Or depuis la loi du 23 février 2005, les activités équestres de préparation et d’entraînement des équidés sont considérées comme des activités agricoles.

 

Toutefois, toutes les activités équestres ne sont pas agricoles. Sont notamment considérées comme non agricoles les activités suivantes :


- Les éleveurs hors sol ;
- Les propriétaires non éleveurs, ni entraîneurs et ceux louant une carrière de course de leurs chevaux ;
- Les activités annexes d’hébergement, restauration etc. ;
- Certaines prestations de services comme les activités de curage de boxes, d’entretien du matériel et des installations et autres ;
- Certains métiers comme maréchal ferrant, sellier, marchand de chevaux…

 
En outre, si un agriculteur ne peut pas bénéficier du régime de micro entreprise, il peut néanmoins prétendre à une régime fiscal avantageux du micro bénéfice agricole qui a remplacé l’ancien forfait agricole.

 

L’article 64 bis du code général des impôts précise que le bénéfice imposable avant prise en compte des éventuelles plus ou moins-values est égal à la moyenne des recettes HT de l’année d’imposition et des deux années précédentes, diminué d’un abattement de 87 %, ne pouvant être inférieur à 305 euros.

 

Le seuil à ne pas dépasser pour pouvoir prétendre à ce régime fiscal est de 82.800 euros HT sur 3 années consécutives. Ainsi le travailleur indépendant agricole qui réalise les chiffres d’affaires suivants :

80.000 euros l’année N

70.000 euros l’année N-1

60.000 euros l’année N-2

Aura un bénéfice imposable de 9.100 euros seulement soit :
Moyenne des 3 années consécutives : 70.000 euros
Soit abattement : 70.000 X 0,87 % = 60.900 €
Soit 70.000 - 60.900 = 9.100 euros
 

L’agriculteur dont les revenus sont modestes bénéfice donc comme le micro entrepreneur d’un régime intéressant au moins sur le plan fiscal.

 

3/ Les risques de requalification :


Il est évidemment tentant d’avoir recours à un micro entrepreneur ou à un agriculteur indépendant compte tenu des avantages financiers que cela procure (comme dans certains cas l’absence de TVA) et de la souplesse que présente ces régimes par rapport au statut de salarié.

 

Mais ce système n’est pas sans danger. Il suffit de prendre connaissance des offres d’emploi émanant de professionnels du cheval, comme l’a fait l’IDE, pour mesurer le danger de requalification de la collaboration proposée en contrat de travail. C’est ainsi que certaines offres révèlent une subordination évidente au donneur d’ordre, allant même jusqu’à qualifier la rémunération de salaire ! Or, les conséquences d’une requalification sont gravissimes : risque de poursuites pénales pour travail dissimulé, paiement des salaires et charge sociales afférentes, des heures supplémentaires, des indemnités de rupture, des dommages et intérêts.

 

Certes l’article L 8221-6 du code de travail instaure une présomption de contrat indépendant mais elle peut être combattue par tous moyens pour démontrer l’existence d’un lien de subordination juridique, ce qu’aura intérêt à faire le prestataire écarté et mécontent !

 

D’ailleurs, la jurisprudence illustrée par plusieurs arrêts récents répertoriés par l’IDE et notamment un arrêt de la Cour d’Appel de Grenoble du 16 octobre 2018, révèle que les critères retenus par les juges pour apprécier l’existence ou non d’un contrat de travail sont les suivants :
 

- Le prestataire exerce-t-il son activité pour un seul donneur d’ordre ?

- La rémunération offerte est-elle fixée ou variable d’un mois à l’autre ?

- Le donneur d’ordre impose–t-il des conditions de travail (lieu, matériel, horaires etc.) ?

- Donne-t-il des consignes précises et formelles, et exerce-t-il un contrôle permanant sur l’activité exercée ?

- Le prestataire peut-il exercer son activité librement sans contrainte particulière ?

 

 
C’est en répondant à ces diverses questions que le juge requalifie ou non le contrat.

 

Attention donc aux fausses bonnes solutions consistant par exemple à remplacer un palefrenier salaire par un micro entrepreneur dont le travail sera identique, car si cette solution parait avantageuse pour le donneur d’ordre et lui offre plus de souplesse, elle peut se retourner contre lui si l’existence d’un contrat de travail est retenue.

 

La prudence « mère de toutes les vertus » doit donc être de mise !

 

Article rédigé en collaboration avec l’Institut du droit équin
 

A propos de l'auteur

Photo de Sophie  BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS DESS droit des entreprises Membre de l’Institut du Droit Equin Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois Diplômée... En savoir +

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Photo de Sophie BEUCHER

Sophie BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS

DESS droit des entreprises
Membre de l’Institut du Droit Equin
Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois

Diplômée d’un DESS droit des entreprises dispensé par la Faculté de Droit d’Angers, Sophie BEUCHER a intégré le Cabinet LEXCAP en 2004 en qualité de juriste.

Après avoir obtenu son diplôme professionnel par équivalence, elle s’est inscrite au Barreau d’Angers en 2009 tout en poursuivant sa collaboration avec le Cabinet LEXCAP et plus particulièrement avec Thierry BOISNARD dans le domaine du contentieux commercial.

Elle fait partie de l’équipe du secteur contentieux commercial qui intervient dans tous les domaines du droit des affaires.

Sophie BEUCHER est plus particulièrement en charge des contentieux relatifs aux litiges commerciaux, recouvrement de créances, droit de la consommation, droit bancaire, cautionnement, procédures collectives.

Par ailleurs, elle a développé une activité spécifique de droit équin, qu’il s’agisse des procédures judiciaires liées à des mises en jeu de responsabilité, à des ventes de chevaux, relations contractuelles, assurances, indivision, troubles de voisinage…ou qu’il s’agisse de conseils auprès de cavaliers, gérants d’écuries et entraineurs de galopeurs ou trotteurs consistant notamment dans la rédaction de contrats de vente, contrats commerciaux, de sponsoring, de mise en demeures.