Droit équin

   
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Dans le monde du cheval, c’est devenu un mot magique, le thème de tous les colloques, le sujet incontournable de tous les débats !

 

Il est vrai que les progrès réalisés dans la connaissance éthologique du cheval et la prise de conscience du respect dû aux animaux n’y sont pas pour rien.

 

 

En réalité, pour les instances professionnelles, dont bien-entendu le Trot Français, cette notion de bien-être des équidés n’est pas nouvelle et a déjà fait l’objet de nombreuses études et mesures.

 

 

C’est ainsi que dès 2016, était signée la charte pour le bien-être équin[1] comportant notamment des dispositions relatives à la relation homme /cheval, et aux comportements à adopter à l’égard des chevaux.

 

 

Puis, en 2021, fut établi le guide des bonnes pratiques[2] à destination des professionnels du cheval.

 

 

Or, ce guide stipule que la formation des professionnels fait partie intégrante de la démarche, les éleveurs et les préposés aux animaux devant posséder suffisamment de compétences et de connaissances pour garantir que les chevaux seront traités dans le respect des mesures adoptées.

 

 

Aujourd’hui les professionnels du cheval, à de rares exceptions près qui ne sont malheureusement guère évitables, respectent parfaitement les mesures adoptées et se préoccupent quotidiennement de la santé et du confort de leurs pensionnaires.

 

 

Il n’est d’ailleurs pas contestable que la performance dépend essentiellement du confort physique et psychique des athlètes que sont les chevaux.

 

 

Néanmoins, le Législateur a considéré qu’il devait intervenir dans ce débat sur le bien-être animal et c’est l’objet de la Loi du 30 novembre 2021, dite loi Dombreval, "visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes"[3].

 

 

Pour compléter ce texte, parurent ensuite le Décret du 18 juillet 2022[4], puis les deux Arrêtés du 29 décembre 2022[5] publiés au Journal Officiel le 31 décembre 2022 et applicables au 1er janvier 2023.

 

 

Dès le 1er octobre 2022, le certificat d'engagement et de connaissance pour les animaux de compagnie était applicable pour toute personne qui acquiert un chien, un chat, un furet ou un lapin.

 

 

Pour les équidés, l’instruction technique 2023-284 du 26 avril 2023 est venue compléter et préciser le cadre réglementaire mis en place.

 

 

Cette réglementation distingue essentiellement les professionnels du cheval, sur qui pèse finalement peu d’obligations, et les non-professionnels principalement visés par le nouveau dispositif.

 

 

1. LA SITUATION DES PROFESSIONNELS

 

 

La loi précise « tout détenteur d’un équidé atteste de sa connaissance des besoins spécifiques de l’espèce ».

 

 

Selon le Décret du 18 juillet 2022 :

 

 

« Toute personne qui, dans le cadre de son activité professionnelle définie par l’existence d’un numéro SIRET, est au contact direct d’un équidé, atteste de sa connaissance des besoins spécifiques de l’espèce en justifiant :

 

1. Soit d’une expérience professionnelle au contact direct d’équidés, d’une durée minimale de 18 mois au moment de l’acquisition ;

2. Soit de la possession d’un diplôme, titre ou certificat figurant sur une liste publiée par arrêté… »

 

 

Dans la liste figurant dans l’Arrêté du 29 décembre 2022, figurent de nombreux diplômes (bac pro, brevets professionnels, CAPA de maréchal-ferrant, de palefrenier soigneur, de lad cavalier d’entraînement, de permis d’entraîner et d’entraîneurs etc…).

 

 

Les professionnels qui détenaient un ou plusieurs équidés dans le cadre de leur activité professionnelle au 31 décembre 2022 sont réputés satisfaire aux conditions sus-énoncées.

 

 

Bien évidemment, d’aucuns s’inquiétaient de cette nouvelle contrainte pesant sur les professionnels et engendrant de nouvelles formalités à accomplir.

 

 

Toutefois, l’instruction ministérielle est plutôt rassurante car elle énonce :

 

 

«La preuve de connaissance est à apporter par le détenteur ayant une activité professionnelle au contact direct des équidés par tout moyen dont il dispose en cas de demande par les services de contrôle. Ces détenteurs n’ont pas de démarche préalable à faire »

 

 

Contrairement à ce que l’on pouvait craindre, il n’est donc nécessaire pour le professionnel de rédiger une attestation.

 

 

De même, il apparaît à la lecture de l’instruction que les salariés n’ont pas à attester de leur compétence, sauf s’ils décident de détenir un équidé en tant que détenteur particulier.

 

Dans le cadre d’une société, il est seulement nécessaire qu’au moins une personne ayant des responsabilités dans l’établissement puisse démontrer sa connaissance et s’assure que « le personnel en charge des équidés est compétent à ce titre. »

 

 

Ainsi le législateur fait confiance aux professionnels auxquels il n’impose aucune formalité, étant précisé qu’il n’est prévu aucune sanction pénale si le professionnel ne peut pas justifier de sa compétence.

 

 

En revanche, le professionnel qui ne peut justifier d’une expérience professionnelle au contact direct des équidés depuis 18 mois minima ou qui n’a pas le diplôme requis (par exemple un pré entraineur qui n’a ni diplôme ni expérience) doit signer un certificat d’engagement et de connaissance.

 

 

 

2. LES OBLIGATIONS DES NON-PROFESSIONNELS:

 

 

En réalité le nouveau dispositif juridique a surtout pour objectif de sensibiliser les non professionnels détenteurs d’équidés (les chevaux, mais aussi les poneys, les ânes, les mulets et les bardots), à l’impérieuse nécessité d’acquérir des connaissances suffisantes pour accueillir un équidé en assurant son bien-être.

 

 

Il est rappelé que le détenteur est défini comme « une personne physique ou morale, professionnelle ou non, ayant la garde d’au moins un équidé à titre permanent ou temporaire, qu’il soit ou non propriétaire.»

 

 

Ainsi le détenteur est le gardien de l’équidé (ce qui en droit signifie qu’il en a l’usage, le contrôle et la direction) et pas nécessairement le propriétaire.

 

 

Tout détenteur d’équidés qui n’agit pas à titre professionnel doit remplir et signer un certificat d’engagement et de connaissance, et ce même si cette détention est antérieure au 31 décembre 2022.

 

 

Dans le cadre d’une société, il est nécessaire qu’au moins une personne ayant des responsabilités dans l’établissement signe le certificat et s’assure que le personnel en charge des équidés est compétent à ce titre.

 

 

Ce certificat ne peut être délivré que soit par un vétérinaire, soit par l’un des organismes professionnels de la filière équine dont la liste figure à l’Arrêté du 29 décembre 2022.

 

 

Parmi ces organismes, figurent bien entendu le Trot Français, mais aussi France Galop, la Fédération Nationale du Cheval, la Fédération Française d’Equitation, la SHF etc…

 

 

Ce certificat est délivré après un échange d’informations en présentiel ou à distance, avec possibilité de mise en place d’un module de formation, gratuit ou payant, mais qui n’engage pas la responsabilité du délivreur.

 

 

L’instruction (qui contient déjà 7 pages) propose un modèle de certificat de 11 pages ! Mais la forme est libre et le contenu peut être différemment libellé par le délivreur.

 

 

Le certificat doit tout de même comprendre une mention manuscrite du détenteur suivant laquelle il s’engage à respecter les besoins de l’équidé et sa signature.

 

 

Outre les informations sur le détenteur et le délivreur, le certificat comporte de nombreuses informations techniques sur la bientraitance, le bien-être et les caractéristiques comportementales des équidés.

 

 

Il liste de façon détaillée les besoins physiologiques et comportementaux et médicaux des équidés (le modèle prévoyant même des informations sur la castration alors même c’est le rôle des vétérinaires).

 

 

Là encore il n’est pas prévu en l’état de sanctions pénales spécifiques à l’encontre d’un détenteur non muni de ce certificat.

 

 

Il est précisé que le détenteur n’a pas signer un certificat à chaque fois qu’il détient un nouveau cheval puisqu’il vaut pour les détentions futures.

 

 

Il reste que la prudence s’impose y compris pour le professionnel, (par exemple l’éleveur, qui vendrait un poulain à un non professionnel) dès lors que le vendeur doit s’assurer que l’acheteur est titulaire du certificat de compétence et de connaissance. En effet, sa responsabilité civile pourrait être, le cas échéant, engagée et la vente pourrait être remise en cause.

 

 

Il est recommandé pour le vendeur de conserver le certificat de compétence et de connaissance signé de l’acheteur pour des questions de preuve. Cette recommandation vaut pour le cheval confié à tout détenteur non professionnel (par exemple un cheval mis au repos chez un propriétaire non professionnel qui devra signer le certificat).

 

 

 

En conclusion, on ne peut que se féliciter des efforts réalisés pour s’assurer du respect absolu du bien-être des équidés notamment par les détenteurs non-professionnels dont les connaissances peuvent être limitées et qui peuvent avoir tendance à agir par anthropomorphisme.

 

 

Pour autant fallait-il autant de littérature et de temps alors que le bien-être se respecte plus qu’il ne se décrète !?

 

 

 

Publié le 02.06.2023

 

 

(Image par Rihaij de Pixabay)

A propos de l'auteur

Photo de Sophie  BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS DESS droit des entreprises Membre de l’Institut du Droit Equin Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois Diplômée... En savoir +

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Photo de Sophie BEUCHER

Sophie BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS

DESS droit des entreprises
Membre de l’Institut du Droit Equin
Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois

Diplômée d’un DESS droit des entreprises dispensé par la Faculté de Droit d’Angers, Sophie BEUCHER a intégré le Cabinet LEXCAP en 2004 en qualité de juriste.

Après avoir obtenu son diplôme professionnel par équivalence, elle s’est inscrite au Barreau d’Angers en 2009 tout en poursuivant sa collaboration avec le Cabinet LEXCAP et plus particulièrement avec Thierry BOISNARD dans le domaine du contentieux commercial.

Elle fait partie de l’équipe du secteur contentieux commercial qui intervient dans tous les domaines du droit des affaires.

Sophie BEUCHER est plus particulièrement en charge des contentieux relatifs aux litiges commerciaux, recouvrement de créances, droit de la consommation, droit bancaire, cautionnement, procédures collectives.

Par ailleurs, elle a développé une activité spécifique de droit équin, qu’il s’agisse des procédures judiciaires liées à des mises en jeu de responsabilité, à des ventes de chevaux, relations contractuelles, assurances, indivision, troubles de voisinage…ou qu’il s’agisse de conseils auprès de cavaliers, gérants d’écuries et entraineurs de galopeurs ou trotteurs consistant notamment dans la rédaction de contrats de vente, contrats commerciaux, de sponsoring, de mise en demeures.