Les règles de procédure pénale face au Covid

   
  • Droit pénal
Image de l'article Les règles de procédure pénale face au Covid

Depuis l’annonce des décisions prises par le Président de la République et les mesures d’organisation prises par le gouvernement dans le cadre de la situation extraordinaire que traverse notre pays, nous étions dans l’attente d’une décision précisant les modifications en matière de procédure pénale.

L’ordonnance du 25 mars 2020, portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a été publiée le 26 mars 2020

Les règles suivantes sont applicables jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire (sauf dispositions contraires)

DELAIS DE PRESCRIPTION

Les délais de prescription de l’action publique et de la peine sont suspendus à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire

FORMES ET DELAIS DES RECOURS

Les délais de recours sont doublés sans pouvoir être inférieurs à 10 jours

Le doublement du délai n’est pas applicable à la procédure de référé-détention (maintien du délai de 4 heures)

Tous les recours et demandes adressés aux juridictions pénales peuvent être formés par lettre recommandée avec accusé de réception

L’appel et le pourvoi en cassation peuvent être exercés par lettre recommandée avec accusé de réception ou par mail à l’adresse communiquée par la juridiction

Les conclusions et mémoires peuvent être déposés par lettre recommandée avec accusé de réception

INSTRUCTION

Pour les demandes tendant à ce qu'il soit procédé à un examen médical, un examen psychologique ou ordonner toutes mesures utiles (art. 81 al. 9 et10 CPP), elles peuvent être adressées au greffe du Juge d'instruction par lettre recommandée avec accusé de réception ou par mail à l’adresse communiquée par la juridiction

Le Président du Tribunal Judicaire peut remplacer un Juge d’instruction empêché

SUR LES RECOURS ET DEMANDES EXERCES PAR VOIE ELECTRONIQUE

Les mails envoyés aux juridictions doivent faire l’objet d’un accusé de réception par la juridiction (NOTA : penser à solliciter expressément du greffe d’accuser réception dans notre mail d’envoi)

Les mails envoyés sont considérés comme étant bien reçus à la date d’envoi de l’AR par la juridiction. S’il y a lieu, c’est cette date qui fait courir le ou les délai(s)

ORGANISATION DES AUDIENCES PENALES

Toutes les juridictions peuvent recourir à la visio-conférence, y compris sans l’accord des parties. Si la visio-conférence est impossible, le juge peut utiliser tout autre moyen de communication électronique, y compris téléphonique (en garantissant l’exercice des droits de la défense et le respect du contradictoire)

Si une juridiction pénale est dans l’incapacité de fonctionner, un transfert de compétence au profit d’une autre juridiction est possible. Le Premier président de la Cour d'appel désigne alors par ordonnance une autre juridiction de même nature et se trouvant dans le ressort de la Cour

Le Président de la juridiction peut restreindre la publicité des audiences pour protéger la santé des personnes présentes

Il a la possibilité d’afficher les délibérés dans un lieu de la juridiction accessible au public.

Ces deux dernières règles sont également applicables aux audiences et arrêts de la Chambre de l’instruction rendus publiquement

Si les règles précitées ne suffisent pas à garantir le bon fonctionnement de la juridiction, le Tribunal correctionnel, le Tribunal pour enfants, le Tribunal de l’application des peines, la Chambre correctionnelle, la Chambre de l’instruction, la Chambre spéciale des mineurs et la Chambre de l’application des peines peuvent  statuer à juge unique, sauf si la complexité de l’affaire exige un renvoi en collégiale

La Chambre de l’application des peines peut statuer sans être composée du responsable d'une association de réinsertion des condamnés et du responsable d'une association d'aide aux victimes

GARDE À VUE

Les entretiens et auditions de garde-à-vue (et rétention douanière) peuvent être faits en utilisant un moyen de communication électronique, y compris téléphonique, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges au cours de l’entretien entre l’avocat et son client.

Les prolongations de garde-à-vue peuvent être décidées sans présentation du gardé-à-vue au magistrat compétent

DETENTION PROVISOIRE

- EN MATIERE CORRECTIONNELLE

Les délais maximum de la détention provisoire et de l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) sont augmentés de plein droit de 2 mois, lorsque la peine encourue est inférieure ou égale à 5 ans

Les mêmes délais sont augmentés de 3 mois dans tous les autres cas

- EN MATIERE CRIMINELLE

Les délais maximum de la détention provisoire et de l’ARSE sont augmentés de plein droit de 6 mois

Ces prolongations sont applicables aux mineurs âgés de plus de16 ans, en matière criminelle ou s'ils encourent une peine d'au moins 7 ans d'emprisonnement.

Ces règles sont applicables aux détentions provisoires en cours et celles débutant à compter du 25 mars 2020, et ce jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire

COMPARUTION IMMÉDIATE

Le délai pendant lequel le prévenu peut être placé en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le Tribunal correctionnel passe de 3 à 6 jours

En cas de renvoi de CI, la prochaine audience doit avoir lieu dans des délais restreints :

-  Le délai maximum d’audiencement passe de 6 à 10 semaines

-  Lorsque le prévenu encourt une peine supérieure à 7 ans, le délai passe de 4 mois à 6 mois

Lorsque le prévenu est placé en détention provisoire, le tribunal doit rendre son jugement sur le fond dans des délais restreints :

-  Le délai maximum passe de 2 à 4 mois

-  Lorsque la peine encourue est supérieure à 7 ans, le délai passe de 4 à 6 mois

Lorsqu’une peine d’emprisonnement est prononcée par le Tribunal correctionnel et qu’un appel est interjeté par le parquet, le délai pour que la Cour d’appel statue passe de 4 à 6 mois

En cas de comparution à délai différé (article 397-1-1 CPP), si le prévenu est sous contrôle judiciaire, ARSE ou en détention provisoire, le délai pour audiencer passe de 2 à 4 mois

CONTENTIEUX DES LIBERTÉS

Devant le Juge des libertés et de la détention :

-  Délai de 6 jours ouvrés pour statuer sur une demande de mise en liberté

-  Pas de débat contradictoire s’agissant des prolongations de détention provisoire mais une audience en visio-conférence. Si la visio-conférence n’est pas possible, le Juge des libertés et de la détention statue sur les observations écrites du Procureur de la République, de la personne et de son avocat

Les délais pour statuer s’agissant des demandes de mise en liberté, des appels des ordonnances de refus de mise en liberté, des recours contre la détention provisoire, l’ARSE ou le contrôle judiciaire sont tous augmentés d’1 mois

COUR DE CASSATION

Le délai pour déposer un mémoire devant la Cour de cassation passe de 1 à 2 mois

Le délai pour statuer sur l’appel d’un arrêt de la Chambre de l’instruction rendu en matière de détention provisoire passe de 3 à 6 mois

Le délai pour statuer sur l’appel d’un arrêt relatif à un mandat d’arrêt européen passe de 40 jours à 3 mois

CONDITIONS D’INCARCÉRATION

Les personnes mises en examen, les prévenus, les accusés peuvent être détenus dans un établissement pour peine

Inversement, les condamnés peuvent être incarcérés dans une Maison d’arrêt, peu importe le quantum de leur peine

APPLICATION DES PEINES

Devant le Juge de l’application des peines :

Pas de débat contradictoire mais une audience en visio-conférence. Si la visio-conférence n’est pas possible, le Juge de l’application des peines statue sur les observations écrites du Procureur de la République, de la personne et de son avocat

Possible à l’avocat de demander à faire des observations orales par visioconférence, le cas échéant par téléphone (les observations seront actées au dossier)

Les réductions de peines, les autorisations de sortie sous escorte et les permissions de sortie peuvent être ordonnées sans consulter la Commission d’application des peines (CAP), en cas d’avis favorable du Procureur de la République  A défaut de cet avis favorable, le Juge de l’application des peines statue après avis de la CAP recueilli par tout moyen

LIBERATION SOUS CONTRAINTE (uniquement sous le régime de la libération conditionnelle)

Le Juge de l’application des peines peut l'octroyer sans avis de la CAP :

-  Si avis favorable du Procureur de la République

-  Si le condamné dispose d’un hébergement

-  Si le condamné peut être placé sous liberté conditionnelle

A défaut d’avis favorable du Procureur de la République, le Juge de l’application des peines statue après avis de la CAP recueilli par tout moyen

Ces règles sont applicables mêmes aux condamnés ayant refusé le principe d’une liberté sous contrainte ou qui ont une requête en aménagement en cours

SUSPENSION DE LA PEINE : Le Juge de l’application des peines peut suspendre une peine sans débat contradictoire :

Cas N°1 :

- Lorsqu’il reste à subir au condamné une durée inférieure ou égale à 2 ans

- Si le condamné dispose d’un hébergement

- Après avoir sollicité l’avis du Procureur de la République

Cas N°2 :

En cas d’hospitalisation du condamné après avis du médecin de l’unité sanitaire de l’établissement pénitentiaire et avis du Procureur de la République (même sans expertise médicale – art.712-21 CPP)

CONVERSION DE PEINE

La procédure de conversion de peine prévue par l’article 747-1 du code de procédure pénale est élargie.

En principe réservée aux condamnations définitives pour un délit à une peine d'emprisonnement ferme inférieure ou égale à six mois ou dont la partie ferme est inférieure ou égale à six mois, désormais cela concerne tous les condamnés pour lesquels le reliquat de peine à exécuter est inférieur ou égal à six mois.

Précisions : Les conversions en détention à domicile sous surveillance électronique seront limitées, compte tenu des contraintes logistiques. Seront privilégiées les conversions en peine de travail d’intérêt général, lequel pourra utilement être mis en œuvre dans le cadre des besoins liés à l’état d’urgence sanitaire.

TRAVAIL D’INTERET GENERAL (TIG)

L’exécution des mesures de TIG prononcées avant l’état d’urgence sanitaire est, sauf cas particulier, suspendue pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire

Le recours au TIG doit être privilégié comme alternative aux courtes peines d’emprisonnement ou comme modalité de leur conversion. Afin de faciliter l’exécution de celui-ci, le délai maximal d’exécution est fixé à 18 mois.

Lorsque la personne a été condamnée pour un délit ou une contravention de 5ème classe commis pendant l'état d'urgence sanitaire, elle accomplit de préférence le TIG dans un établissement public hospitalier ou accueillant des personnes âgées.

RÉDUCTION DE PEINE EXCEPTIONNELLE ACCORDEE IMMEDIATEMENT PAR LE JAP

Réductions de 2 mois maximum

Réduction accordée aux condamnés (sauf ceux en libération conditionnelle) ayant été sous écrou pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, même si leur situation est examinée après l'expiration de cette période

Possible de l’accorder sans avis de la CAP dès lors que le Procureur de la République a émis un avis favorable (à défaut d’avis favorable, le Juge de l’application des peines recueille l’avis de la CAP par tout moyen)

Sont exclus du bénéficie de cette réduction supplémentaire de peine :

Peine criminelle, peine pour actes de terrorisme et pour les infractions commises avec la circ. aggravante : « en étant ou ayant été conjoint, concubin ou lié par un pacs »

Personnes ayant initié une action collective précédée ou accompagnée de violences commises sur des agents de l’administration pénitentiaire

Personnes n’ayant pas respecté les consignes sanitaires COVID-19 en détention (comportement de mise en danger)

CREATION D’UNE ASSIGNATION A DOMICILE DE FIN DE PEINE

Conditions :

Les personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à 5 ans, dont il reste à subir une durée inférieure ou égale à 2 mois (y compris ceux incarcérés sous le régime de la semi-liberté), sur décision du Procureur de la République statuant sur proposition du chef d’établissement, exécutent le reliquat de leur peine sous l’assignation à domicile

L’assignation à domicile est assortie des obligations liées au confinement

L’assignation à domicile peut également être assortie des obligations prévues à l’article 132-45 du Code pénal (du 7° au 14 °)

Sont exclus de cette mesure :

Peine criminelle, peine pour actes de terrorisme et pour les infractions commises avec la circ. aggravante : « en étant ou ayant été conjoint, concubin ou lié par un pacs »

Peine pour les infractions d’atteinte aux personnes (livre II titre II Code pénal) commises sur mineur(s) de 15 ans

LE JUGE DES ENFANTS

Le Juge des Enfants peut prolonger d’office de 4 mois les placements (ordonnés au pénal) qui arrivent à échéance :

- Il consulte au préalable le rapport des services éducatifs

- Il prend sa décision sans entendre les parties

- Il en informe le Procureur de la République, les parents et le mineur

Le Juge des Enfants peut enfin prolonger les mesures éducatives en cours pour une durée maximum de 7 mois

 

Nathalie VALADE, Paul HUGOT, Charline BELIN

A propos de l'auteur

Photo de Paul  HUGOT

Avocat au Barreau de SAUMUR DEA actes juridiques DEA communication-science de l’information Paul Hugot est avocat inscrit au Barreau d’ANGERS depuis 2001, titulaire d’une maîtrise... En savoir +

Expert dans :

Droit pénal Responsabilité civile & Assurance
Photo de Paul HUGOT

Paul HUGOT

Avocat au Barreau de SAUMUR

DEA actes juridiques
DEA communication-science de l’information

Paul Hugot est avocat inscrit au Barreau d’ANGERS depuis 2001, titulaire d’une maîtrise de Droit Public, d’un DEA actes juridiques et d’un DEA communication-science de l’information.

Passionné par la défense pénale, il assiste et représente les accusés, les prévenus ou les parties civiles en matière de crimes et délits, durant toutes les phases de la procédure pénale.

Il intervient plus particulièrement auprès des dirigeants d’entreprise, des élus, des collectivités publiques et décideurs tant en matière de conseils qu’au cours de la phase judiciaire, de l’instruction/enquête jusqu’à la plaidoirie devant la juridiction de jugement. Il assiste par ailleurs les victimes dans leurs démarches d’indemnisation, qu’elles soient judiciaires ou auprès des assurances concernées.

Sa formation en communication lui permet d’assurer au mieux la défense de vos intérêts et de votre image auprès de la presse, notamment en cas de procès médiatisé.